Paris, le 4 mars 2010
Lorsque le fils remplace le père en 2005, porté par les caciques du régime, le changement n’est pas à l’ordre du jour. Pourtant, de manière surprenante, beaucoup de togolais jugent aujourd’hui le bilan du président Faure globalement positif : une transition politique bien menée, un processus électoral rénové, des élections législatives sans violences, une liberté d’expression et de la presse, des réformes institutionnelles dont l’abolition de la peine de mort et la mise en place de l’aide juridictionnelle. A cela s’ajoute une Commission Vérité Justice et Réconciliation, le retour de l’armée dans les casernes et la reprise de la coopération avec l’UE qui laisse espérer un redémarrage économique.
Pour ses laudateurs, le nouveau président, si mal élu en 2005, a su dépasser les factions, les postures et poser les bases d’un retour progressif à l’apaisement et à la confiance. Alors qu’il continue à s’appuyer sur le parti de son père, il a presque réussi à apparaître comme un homme neuf. Simple tactique ou sincère volonté de changement, il a suivi une stratégie de rassemblement et a tenté de nouer des alliances avec le corps social (large dialogue social, doublement du SMIG, appui massif au monde agricole…) par-dessus les partis politiques. Lié à son clan mais désireux de s’en libérer, sa stratégie est de construire demain sa propre force politique.
A l’approche de l’élection présidentielle, l’agitation monte. L’opposition n‘est pas arrivée à contester le bilan du Président, en réalité bien moins flatteur que ce que celui-ci tente de faire croire (transparence électorale, impunité, prisons, …) Elle est plutôt restée piégée dans des débats électoralistes. Traditionnellement divisée, elle a négligé l’enjeu clé de l’élection, la possibilité d’un 2ème tour. Elle avait déjà oublié en 2007 de réclamer un nouveau découpage électoral et perdu ainsi les législatives.
Erreur politique de l’équipe présidentielle, juridisme excessif de la Cour constitutionnelle électorale ou manipulation politique des durs du régime, l’éviction de la course électorale du candidat historique de l’opposition Gilchrist Olympio puis celle du nouveau venu, Koffi Yamgnane, ancien Ministre français rentré dans son pays natal dans la perspective de la présidentielle, a ouvert une féroce bataille politique, mais pas nécessairement là où on le croit !
Lutte interne pour le contrôle du principal parti de l’opposition, au bord de l’explosion entre les représentants du courant historique de Gilchrist Olympio et ceux de ses cadres de terrain. Repositionnement d’un Koffi Yamgnane, dépourvu d’une base populaire mais fort de son influence médiatique en France, à travers une sagace alliance tactique. Recherche de marges de manœuvre des candidats modérés dans une élection qu’ils estiment déjà perdue, pour négocier une place dans la prochaine équipe gouvernementale. Le pouvoir, imperturbable, répond lui par des gestes symboliques aux attaques de ses opposants. Au sein même du régime, certaines forces conservatrices puissantes s’agitent pour que cette élection présidentielle du 4 mars se passe mal, afin que le Président Faure réélu ne dispose pas d’une légitimité suffisante pour les écarter définitivement du pouvoir.
Quel que soit le vainqueur, la scène politique togolaise va se recomposer. De nouveaux partis et de nouveaux leaders vont émerger. Ce sera la fin de l’affrontement vain entre les deux camps historiques. Peut-être un gouvernement qui gouverne, et de vrais contre-pouvoirs qui jouent leurs rôles, pour apporter enfin de vraies réponses aux attentes d’une population de plus en plus lassées des jeux politiciens.
Bruno Angsthelm, chargé de mission Afrique au CCFD -Terre Solidaire,
Paul Nsapu, Secrétaire Générale de la FIDH.
Point sur l’élection présidentielle au Togo du 4 mars 2010 (pdf)
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