Mamadou Diakité, Mali

Publié le 01.01.2007| Mis à jour le 08.12.2021

La lutte contre l’immigration clandestine a des conséquences tragiques pour les migrants. C’est une situation d’urgence !

Immigration clandestine
Une véritable urgence humanitaire !

L’émigration est un drame. Il se passe dans le Sahara et au large des cotés du Sénégal des choses très graves et que nous ne connaissons pas. Avec l’intensification de la lutte contre l’immigration clandestine, les parcours sont devenus de plus en plus dangereux.

Depuis les événements de Ceuta et Melilla [début octobre 2005, des migrants bloqués au Maroc, lassés des échecs de leur tentative pour franchir les grillages qui entourent ces deux enclaves espagnoles, ont tenté un passage par vagues de plusieurs centaines. La police marocaine a tiré à balles réelles, tuant plusieurs d’entre eux, Ndr], les Maliens ont réalisé que nos enfants meurent dans cette aventure.

La Sahara est un grand cimetière

Passer par le Sahara, c’est la route de la mort. Les transporteurs livrent parfois leurs passagers à la police plutôt que de perdre leur argent à les transporter pour rien puisque le passage est impossible. Quand ils ne les déversent pas en plein désert ! Le Sahara est un grand cimetière.

Ceux qui arrivent en Algérie avec un passeport malien, après trois mois se retrouvent en situation irrégulière [les détenteurs de passeport malien peuvent entrer sans visa en Algérie et y séjourner légalement trois mois, ndr]. Ils trouvent du travail pour payer la suite de leur parcours, mais il vivent comme des rats. Leurs droits ne sont pas respectés, ils sont en proie à des employeurs peu scrupuleux, ils sont harcelés par la police, ils n’ont pas accès aux soins, habitent dans des camps. Aujourd’hui, 50 000 migrants sont bloqués au Maghreb !

Ensuite, pour passer en Espagne, c’est une autre mafia. D’autres arnaques. Les passeurs prennent les passeports. Les noyades sont fréquentes. Depuis que la route via Ceuta et Melilla est devenue quasiment impraticable, les migrants tentent de passer par les îles Canaries depuis le Sénégal. Mais c’est encore plus dangereux. Plusieurs milliers de jeunes sont morts en quelques mois !

L’Algérie refoule des clandestins par centaines chaque semaine. Mais elle ne les renvoie pas chez eux, elles les déversent dans le désert. Les refoulés sont bloqués sans papier, sans argent à la frontière, à Gao ou à Bamako. Cette politique crée une situation d’urgence humanitaire !

Des conditions d’expulsion indignes de la France
Une fois en Europe, ce n’est pas aussi simple que les passeurs le prétendent. C’est le début d’un autre cauchemar. L’entrée dans la clandestinité. Le risque devient judiciaire : arrestation, rétention, expulsion, retour au pays dans des conditions lamentables.
Concernant les migrants, la notion de droit n’existe plus en Europe. On ramasse les gens dans la rue. On ne donne pas aux clandestins la chance d’avoir accès à un conseil juridique. De contacter leur famille. Ces conditions ne sont pas dignes de la France. Il y a un minimum à respecter, ce ne sont pas des criminels. Il ne faut pas s’étonner si les relations se chargent de haine envers la France.

Émigrer, un acte de désespoir
Nous essayons de sensibiliser ceux qui veulent partir aux dangers du parcours. L’Union européenne cofinance des programmes de sensibilisation, mais la stratégie de la peur ne fonctionne pas. On ne propose pas d’alternative. Au mieux, on aide les migrants à s’armer psychologiquement pour affronter les dangers auxquels ils seront confrontés. Ils savent qu’ils risquent leur vie, mais pour eux, c’est toujours mieux que de ne rien tenter et de rester chez eux comme une charge, sans pouvoir aider leur famille. Un jeune dans la force de l’âge qui n’a rien à faire, qui voit ses parents fatigués, qui se sent inutile… nourrit peu à peu le dessein de partir. Émigrer, c’est un sacrifice, un acte de désespoir, presque un suicide. Le vrai problème, c’est celui de la pauvreté, de l’insertion sociale, de l’emploi.

Notre mission c’est d’amener les jeunes à réfléchir, à se poser les questions. L’émigration est-elle une source d’enrichissement ou d’appauvrissement ? Mais je n’ai aucun droit de leur dire de renoncer. La mobilité c’est leur droit. J’essaie simplement de leur dire, « Ne vous condamnez pas à prendre la route de la mort. Essayez d’obtenir un visa ». Mais c’est devenu quasiment impossible.
Beaucoup de ceux qui ont pris la route, ou qui sont passés en Europe voudraient rentrer, mais ils n’en ont pas les moyens. Surtout, ils ne peuvent pas revenir sans rien ramener, c’est un échec, une honte pour eux, un déshonneur pour la famille. Ils sont endettés, leur famille a vendu des terres ou des biens pour qu’ils puissent partir. Impossible pour eux de revenir bredouille. C’est un piège !

La priorité, c’est de leur proposer des alternatives, des solutions pour trouver un emploi, des ressources, un avenir au Mali.

Bamako, novembre 2006

Mamadou Diakité est fondateur de l’association Aide
Il sera invité à la Campagne de Carême 2007 du CCFD

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