Manifeste – Serbie

Publié le 18.07.2006| Mis à jour le 08.12.2021

Une Serbie à deux visages : entre transition démocratique et maintien de la rhétorique nationaliste

Issue de l’éclatement de la Yougoslavie au début des années 1990, la Serbie a opéré une transition démocratique avec le départ de Slobodan Milosevic de la vie politique en 2000, suite à des manifestations massives. Mais c’est surtout le mandat du premier ministre Zoran Djindjic, de 2001 à 2003, qui avait fait naitre l’espoir et  avait marqué un tournant dans la vie politique serbe et dans sa relation avec les pays voisins. Cette ouverture a malheureusement connu une fin tragique, avec l’assassinat de ce dernier en mars 2003. Depuis, la scène politique reste marquée par un nationalisme souvent acerbe et un refus de la Serbie de reconnaître les crimes commis lors des guerres ex-yougoslaves. On est donc en présence d’une Serbie à deux visages. D’un côté, elle se donne à voir sous un jour nouveau, libérée du nationalisme et tournée vers l’Union Européenne. Mais bien souvent, la Serbie montre un visage plus sombre, qui se caractérise en premier lieu par le déni de sa part de responsabilité dans les conflits et les crimes de guerre commis. Elle semble en outre peu encline à collaborer avec le Tribunal Pénal International (TPIY) et semble se rapprocher davantage de la Russie que de l’Union Européenne. Ainsi, si Radovan Karadzic a été arrêté au cours de l’été 2008  et transféré à la Haye pour y être jugé, deux autres criminels de guerre, Ratko Mladic et Goran Hadzic, demeurent toujours en fuite. Leur arrestation est une condition à la poursuite du rapprochement entre la Serbie et l’UE. Elle semble donc avoir le plus grand mal à faire face et à gérer son passé, comme en témoigne également sa non reconnaissance de l’indépendance du Kosovo. En 2008, la Serbie a signé un Accord d’Association et de Stabilisation avec l’UE, mais les Néerlandais exigent, pour qu’il rentre en vigueur, une pleine collaboration de Belgrade avec le TPIY. Enfin, les autorités serbes sont aussi souvent accusées de semer le trouble en Bosnie-Herzégovine en soufflant sur les braises du nationalisme, par le biais de leur soutien aux autorités de la Republika Srpska – l’entité serbe de Bosnie.

Au niveau économique et social, la Serbie est un pays exsangue, où 20% des 10 millions de citoyens sont aujourd’hui au chômage. Les bombardements de l’OTAN en 1999, visant à faire plier Milosevic qui menait une politique d’épuration ethnique au Kosovo, ont durement touché les infrastructures et donc le tissu industriel et économique. La société se caractérise par une très forte violence, notamment au sein des rapports hommes-femmes et envers les minorités, qu’elles soient sexuelles, religieuses ou nationales. L’annulation, à la dernière minute, du Queer Festival en octobre dernier, est là pour en témoigner.

Les améliorations sociales semblent être au point mort, les populations exclues ou oubliées sont largement absentes des politiques publiques. La Serbie a en effet connu un afflux important et successif de réfugiés de Croatie et de Bosnie-Herzégovine et de déplacés du Kosovo. Marginalisées, ces populations ont le plus grand mal à s’intégrer dans leur nouvel environnement et au sein des populations locales. Selon les chiffres publiés en 2008 par le Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies, on compte encore 69 500 réfugiés de Croatie et 27 200 de Bosnie-Herzégovine, ainsi que 225 900 déplacés internes en Serbie. Cette dernière ayant signé en 2007 un accord de réadmission avec l’Union Européenne, elle fait également face aujourd’hui à un afflux très important de populations serbe et rom expulsées de l’UE, qu’il semble très difficile à chiffrer. Selon certaines ONGs, 100 000 Serbes entrés illégalement dans des Etats membres seraient concernés par ce risque d’expulsion vers la Serbie. Ces populations sont forcées de quitter des pays où, pour les plus jeunes, elles ont passé la plus grande partie de leur vie. Elles arrivent en Serbie le plus souvent sans aucune ressource ni perspective d’insertion sociale.

Les actions soutenues par le CCFD-Terre Solidaire en Serbie

Le CCFD-Terre Solidaire soutient les actions qui se proposent de favoriser la démocratisation du pays et les discussions ouvertes et pluralistes. C’est notamment le cas de notre partenaire Res Publica, qui édite le journal bimensuel Republika. Ce dernier a été créé en 1989. Très critique à l’égard du gouvernement, il est un des rares à parler des sujets qui fâchent, tels que la responsabilité de la Serbie dans les conflits des années 1990. Il aborde toutes les questions clefs et a pour ambition de susciter le débat dans une société en profonde transition. Il organise régulièrement tables rondes et discussions et entend soutenir l’émergence d’une véritable société civile active en Serbie. De nombreux partenaires travaillent sur les questions de la mémoire et de la justice tels que le Humanitarian Law Center ou encore le Centre de décontamination culturelle. Pour Youth Initiative for Human Rights, il faut aider les jeunes des différentes communautés à parler des conflits passés pour mieux s’accepter et se comprendre dans le présent. La question des réfugiés et déplacés apparait elle aussi comme centrale, comme pour l’ensemble des pays des Balkans occidentaux. De nombreux partenaires travaillent au quotidien pour venir en aide à ces populations oubliées par le gouvernement. Ainsi, l’association Group 484 a-t-elle été créée à l’origine pour accueillir 484 familles serbes réfugiées de Croatie. Elle vient en aide aux déplacés, réfugiés et expulsés de l’UE qui vivent souvent toujours dans des centres collectifs dans des conditions très précaires.  Il s’agit de leur apporter une aide concrète mais aussi de les aider à faire valoir leurs droits. Forum NVO, qui est un forum des ONG en Serbie, aide les associations d’aide aux déplacés et réfugiés à se créer et à renforcer leurs compétences et agit ainsi en amont de l’action sur le terrain. Notre partenaire Cœur Tzigane travaille également à l’intégration sociale et économique des minorités roms. Concernant les rapports hommes-femmes, nous soutenons des partenaires comme Youth Initiative for Human Rights ou encore des alliés comme Femmes en noir qui travaillent sur les thèmes de la violence non canalisée qui mine encore aujourd’hui la société serbe, et dont les femmes sont le plus souvent les victimes.

Le CCFD-Terre Solidaire entend poursuivre son engagement en Serbie sur l’ensemble de ces thèmes. Tout comme pour les autres pays issus de l’Ex-Yougoslavie, il nous semble pertinent de favoriser l’émergence d’une société civile active et inclusive et de parier sur la jeunesse pour développer des réseaux de militants avec les pays voisins. Dans cette optique de rapprochement, le CCFD-Terre Solidaire soutient par exemple toutes les initiatives qui visent à faire se rencontrer les acteurs associatifs du Kosovo et les acteurs associatifs de Serbie. Adopter une approche régionale semble en effet nécessaire pour rapprocher les sociétés civiles de ces Etats sur leur chemin de l’intégration européenne.

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