Mexique : elle défend les droits de sa communauté zapotèque face à EDF
Guadalupe Ramiréz, 69 ans, vit à Unión Hidalgo, communauté autochtone zapotèque de 14 000 habitants située sur le littoral pacifique dans l’État de Oaxaca (Sud-Est de Mexico). Elle s’oppose aux projets de parcs éoliens, comme celui que prévoit EDF, qui envahissent ce territoire sans considération des droits élémentaires de la population. Elle raconte les menaces, la peur et le combat pour défendre leurs droits malgré tout
« Nous avons entendu parler des parcs éoliens dès 2006. Aujourd’hui, on compte 114 mâts, dont huit notamment sont très proches des habitations. Les entreprises se sont installées sans consulter la population. Elles ont violé nos droits. En 2017, ce fut au tour du projet Gunaa Sicarú porté par la firme française EDF.
La zizanie semée dans la communauté
On a fait miroiter les bénéfices des éoliennes à la communauté. Au début, nous y avons crus. Mais c’était un mensonge ! Notre communauté était unie, elle est aujourd’hui divisée par les manœuvres des entreprises. Alors que nos terres sont communales, certaines personnes se sont déclarées « propriétaires » de parcelles afin de signer des contrats d’utilisation avec EDF et tirer un profit du projet.
D’autres se sont vues proposer des promesses d’emploi en échange du soutien de leurs voix.
Les plus pauvres, en revanche, n’ont rien à attendre de ce projet, à part la pollution. Les éoliennes existantes sont parfois si proches des maisons que les fenêtres vibrent. Elles leur rendent la vie impossible, les gens ne dorment plus tranquillement ! Des entreprises barrent certains accès, empêchant des paysannes et des paysans d’aller cultiver leurs terres.
Nous ne pouvons plus produire notre alimentation comme avant.
Notre communauté en est totalement démantelée. Et elle n’est pas la seule dans le cas, ici.
Une consultation de façade
Une « consultation » a été organisée autour de ce projet, mais bien loin des standards internationaux, notamment ceux de l’Organisation internationale du travail.
Il s’agissait de réunions rassemblant 400 personnes au plus, se prétendant représentatives d’une population de 14 000 personnes !
Des crieurs étaient payés pour couvrir nos voix et nous empêcher de nous exprimer.
Ceux que les autorités écoutent, ce sont les prétendus propriétaires terriens, là pour en dire du bien et gagner en retour une protection. Voilà l’ambiance de ces prétendues « consultations », organisées à la main des porteurs de projet.
Des risques pour nos vies
Avec nos voix dissidentes, qui défendent les droits humains, nous avons subi des insultes, des intimidations, des menaces — de mort parfois, et étendues à nos familles. Les pressions sont permanentes, la peur s’est installée…
Ce climat nous affecte fortement. Nous n’avons plus la liberté d’aller et venir, par crainte de représailles. Nous ne sortons qu’en cas d’extrême nécessité, car les risques sont très importants. Plusieurs personnes ont déjà été tuées en relation avec la contestation des parcs.
J’ai reçu des menaces personnelles. On m’a dit : « Nous allons séquestrer ton fils ».
Un jour, ma voiture a été coincée par deux camionnettes. J’ai eu très peur, convaincue qu’il allait se produire quelque chose de grave. Par chance, quand ils ont vus que j’étais accompagnée, les assaillants ne m’ont pas forcée à descendre.
Hors de France, les bonnes intentions d’EDF s’évanouissent
Nous sommes souvent les derniers informés des avancées des projets. Par exemple, EDF a décidé au dernier moment, sans rien nous dire, de modifier le nombre et la hauteur des mâts du parc. Comment l’entreprise peut-elle prétendre se soucier du développement de Unión Hidalgo de cette manière ?
À peine hors de France, ses bonnes intentions de façade s’évanouissent.
Ce processus de consultation dévoyé depuis le début doit être suspendu.
Si nous en appelons aux autorités françaises, c’est parce que les organisations qui nous soutiennent ont fait leur possible, mais en vain, pour y parvenir.
Que les gouvernements viennent sur place se rendre compte de l’ampleur de la violation des droits humains !
Agir, pas se taire !
Ces entreprises nous ont pris le peu de richesses qui nous appartenaient. Nous ne pouvons plus vivre comme avant.
Or c’est la vie même que nous tentons de préserver, à Unión Hidalgo. Nos ancêtres nous ont enseigné la culture de la terre. Le moins que nous puissions, c’est faire notre possible pour transmettre cet héritage.
Et entraîner avec nous les gens, même dépourvus de terre, étouffés, et qui croient n’avoir aucun droit. Nous n’acceptons pas tant d’injustice, de violation des droits humains. Il est nécessaire de lutter.
Agir, pas se taire !
Propos recueillis par Patrick Piro
Le CCFD-Terre Solidaire soutient leur démarche
Le CCFD-Terre Solidaire, avec d’autres organisations alliées [[ Sherpa, les Amis de la Terre France, l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme, SOMO, OECD Watch et l’alliance FGG, ]] soutient les représentants d’Union Hidalgo, ProDESC et ECCHR dans leur combat pour faire reconnaitre leurs droits. Cette démarche est en effet possible grâce à la lutte menée depuis de longues années en France par les ONG pour l’adoption de législations contraignantes relatives au respect des droits humains et de l’environnement par les entreprises.
Les défenseurs de la communauté indigène demandent à l’entreprise EDF de respecter les droits de la communauté et de suspendre le projet de parc éolien jusqu’à ce jusqu’à ce que l’entreprise se conforme à son obligation de vigilance telle que prévue par la loi sur le devoir de vigilance adoptée en 2017.
Lire aussi : Le devoir de vigilance, fruit d’un long combat porté le CCFD-Terre Solidaire et la société civile
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