Mission catholique de Gao. La providence des refoulés
Anselm Mahwera, jeune père blanc tanzanien, est devenu, depuis son arrivée à Gao en octobre 2005, l’un des personnages de l’univers de la migration transsaharienne. Dans tout le désert, on sait que les refoulés échoués à Gao peuvent aller voir « le Père ».
« Quand j’étais en stage ici en 1997, se souvient-il, on ne voyait que des gens qui montaient vers l’Europe. Ils avaient de l’argent. Mais quand je suis revenu comme titulaire en 2005, la ville était pleine de nécessiteux qui n’avaient ni où dormir, ni de quoi manger et venaient quémander à la mission. Il ne suffisait plus de les soutenir spirituellement. Alors, avec les autres pères de la communauté et avec les chrétiens de Gao, nous avons décidé de leur venir en aide. »
C’est ainsi que, presque chaque jour, arrivent à la mission des jeunes en haillons, au regard de bête traquée, débarqués en ville depuis peu. Ils sont originaires du Nigeria, du Sénégal ou du Cameroun, et racontent tous l’horreur du refoulement d’Algérie, l’enfer de Tinzawatine, la route jusqu’à Kidal et l’arrivée à Gao sans un sou en poche, sans papier d’identité. Tous moralement effondrés par l’échec de l’aventure à laquelle ils ont consacré toute leur énergie pendant des années, et qui portait tous leurs espoirs.
« Nous avons été sensibles à cette souffrance, témoignent les membres de la petite communauté chrétienne de Gao. Nous avons toujours un pain à partager. Chacun de nous a hébergé des refoulés. Mais nos moyens sont limités. » La mission catholique a tenté d’organiser cette solidarité spontanée avec l’appui de la société des Missionnaires d’Afrique et de quelques financeurs étrangers dont le CCFD.
Un coup de pouce décisif
« Nous ne pouvons pas aider les refoulés à rentrer jusque chez eux, explique le père Anselm. Ce que je peux faire, c’est d’abord prêter mon portable pour qu’ils appellent leur famille pour se faire envoyer de l’argent. Le plus souvent, je paie le billet de bus pour Bamako, Mopti ou Niamey, et je donne de quoi manger en route. Ensuite, ils retrouveront des compatriotes, ils pourront trouver un travail et gagner de quoi continuer leur route. » Un coup de pouce décisif qui évite aux refoulés de devenir des voleurs par nécessité ou aux quelques femmes bloquées à Gao de tomber dans la prostitution.
Mais s’insérer dans l’économie de la migration clandestine en fournissant une aide désintéressée peut être un jeu dangereux. L’assurance joviale du père Anselm est un viatique indispensable pour désarmer les tensions ou les malentendus avec la petite « mafia » locale.
Mais il n’est pas toujours simple de discerner le refoulé de celui qui s’est fait tout simplement rouler par un transporteur, celui qui veut vraiment retourner chez lui, de celui qui prépare sa prochaine tentative. « Tout ce que je vois, c’est qu’ils souffrent » est le leitmotiv d’Anselm. Pas dupe pour autant.
« Je sais bien que la plupart ne voient pas d’autre solution que de réessayer de passer en Europe. Tout ce que je leur dis c’est : “Tirez les leçons de votre souffrance. Expliquez à vos frères qui veulent partir ce que vous avez enduré. C’est la seule façon de me remercier.” »
Mais les refoulés ne sont pas les seuls que le père Anselm veut sensibiliser. « Tous ces gens que le Maroc ou l’Algérie refoulent pour le compte de l’Europe, en réalité, ils ne sont pas ramenés chez eux. Ils sont envoyés en plein désert. Et un jour ou l’autre, ils deviennent un problème à Gao. Alors, c’est nous qui tendons la main à ces gens que la France rejette ».
Thierry Brésillon
En octobre 2006, le CCFD a accordé un soutien de 12 000 euros à la mission catholique de Gao pour l’aide aux refoulés.
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