République de Serbie : La réconciliation régionale à petits pas

Publié le 04.01.2013| Mis à jour le 08.12.2021

Pas facile de renouer les liens entre des pays séparés par des années de guerre. Même si les choses commencent à bouger en Serbie sous l’impulsion d’une partie de la société civile qui exhorte les populations à engager un travail de mémoire.


C’est un véritable serpent de mer : depuis près de dix ans, l’idée de créer une commission régionale pour faire la vérité sur les crimes de guerre et les autres violations des droits de l’homme commis entre 1991 et 2001 dans l’ex-Yougoslavie est inscrite sur les agendas de la société civile des pays impliqués dans ces conflits. Et, en dépit de la reprise de cette revendication, il y a un an, par une coalition de jeunes regroupés dans une centaine d’ONG de l’ex-Yougoslavie, le processus a bien du mal à aboutir. Les protagonistes viennent toutefois de recevoir un soutien de poids : celui du président croate, Ivo Josipović, souhaitant convaincre les autres présidents de la nécessité de donner corps à cette initiative. « Les choses bougent », se félicite Ivan Stojanović, le directeur de Youth Initiative for Human Rights (YIHR) de Belgrade, rappelant aux septiques que le processus de rapprochement entre la France et l’Allemagne a pris aussi du temps. De Sarajevo, à Zagreb, en passant par Pristina ou Podgorica, dans toutes les capitales des bureaux nationaux de YIHR se sont créés.

Les lycéens et les étudiants ne sont pas les seuls à s’inscrire progressivement dans ces démarches. Le journal serbe Republika, un des rares médias indépendants de Serbie, vient d’organiser des rencontres avec des journalistes des autres États issus de l’ex-Yougoslavie, afin d’élaborer une charte de déontologie qui s’adresserait à toute la profession. Les artistes ne sont pas les derniers à franchir les frontières. Il y a un an, l’initiative croisée de deux auteurs serbes et albanais du Kosovo, qui ont publié une anthologie de la littérature de leur région respective dans la région et dans la langue de l’autre, n’est pas non plus passée inaperçue. « La situation commence même à se détendre dans ma ville, à Vukovar, où l’on observe une légère augmentation des mariages mixtes », affirme Mirjana, étudiante à l’université de Novi Sad.

Des gestes contradictoires

Il reste, maintenant, à entraîner la majorité de la population. « Les gens ne s’intéressent pas aux autres. Quand, par exemple, je me rends à Sarajevo ou Pristina, ils me demandent souvent pourquoi ? J’ai pris l’habitude de leur répondre pourquoi pas ? », lance Zeljko, étudiant dont les parents serbes, originaires de Bosnie, l’ont sensibilisé à la nécessité de renouer les liens. « Ce n’est pas gagné, notamment en Serbie où, officiellement, il n’y a pas eu de guerre puisqu’elle s’est déroulée dans des pays voisins. Du coup, il n’y a ni vétérans, ni réfugiés, ni personnes déplacées alors qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour se rendre compte de la réalité de ce phénomène ! », note Nora qui travaille au centre de décontamination culturelle de Belgrade. Ce centre culturel organise des manifestations et des conférences auxquelles participent des militants associatifs serbes et internationaux. Son objectif : combattre le nationalisme et poursuivre la démocratisation en cours du pays.

Néanmoins, le travail de mémoire n’a pas vraiment commencé, malgré les gestes symboliques effectués par l’ex-président serbe, Boris Tadić qui a fait voter par le Parlement une condamnation des crimes commis par les Serbes à Srebrenica et a livré, sous la pression de l’Union européenne, Ratko Mladić et Radovan Karadzić, les criminels de guerre les plus emblématiques. Mais il y a eu aussi des gestes contradictoires, comme ce déplacement en Republika Srpska (République serbe de Bosnie)[[La Republika Srpska, à forte majorité serbe, est, avec la Fédération de Bosnie et Herzégovine, où vivent majoritairement les Bosniaques et les Croates, une des deux entités composant la Bosnie depuis les accords de Dayton]] donnant le sentiment de soutenir les nationalistes serbes locaux qui revendiquent encore leur rattachement à la Serbie. « De toutes les façons, ces rapprochements sont inévitables, philosophe Bandhyl, vingt-sept ans, professeur d’anglais d’origine albanaise au lycée de Presevo. À terme, nous serons tous membres de l’Union européenne ! » Reste à savoir si dans ce futur que l’enseignant appelle de ses vœux, les populations vivront réellement ensemble et pas côte à côte, comme aujourd’hui…

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