Réunion opérationnelle de haut niveau sur la crise dans la Corne de l’Afrique convoquée par la FAO ce jeudi 18 août 2011
Réaction du CCFD-Terre Solidaire à la réunion opérationnelle de haut niveau sur la crise dans la Corne de l’Afrique convoquée par la FAO ce jeudi 18 août
La réunion de ce jeudi 18 août 2011 sur la Corne de l’Afrique convoquée par la FAO avait un double agenda : « prendre des mesures urgentes et concrètes afin de renforcer la réponse internationale tout en affrontant les causes profondes de la crise ». Elle n’a, sur ce point, rien apporté. Au-delà des appels à renforcer les engagements financiers, et des déclarations d’intention, aucune proposition concrète n’a été mise sur la table concernant un soutien à moyen et long terme de l’agriculture dans la région. Il est crucial que les prochaines rencontres, dont la réunion des donateurs convoquée par l’Union Africaine le 25 août à Addis Abeba, marquent un tournant dans la mobilisation.
Pour le CCFD-Terre Solidaire et ses partenaires locaux, il est impératif de renforcer dès maintenant le secteur agricole de ces pays en soutenant les populations et les organisations locales, mais également en mettant en place des politiques cohérentes au niveau régional et international afin de lutter efficacement contre ces crises alimentaires à répétition dont la périodicité ne fait que s’accentuer.
Depuis un mois, les annonces d’aide se succèdent et les Etats augmentent petit à petit leurs financements, dans une sorte de concurrence à l’annonce. La multiplication des prises de paroles rend cependant aujourd’hui illisibles les montants totaux engagés et surtout l’objectif de ces financements.
La technique du pompier a depuis longtemps montré ses limites, entre autres dans ses promesses, mais la leçon n’a semble-t-il pas été retenue. Les différentes initiatives lancées ces dernières années et destinées à apporter une réponse durable à l’insécurité alimentaire, au niveau régional et international, n’ont pas vu le jour ou ont eu une portée limitée, faute de réelle volonté politique de la part de la communauté internationale et de financements adéquats.
Des fonds supplémentaires doivent rapidement être débloqués, et les engagements précédents enfin honorés
La situation dans la région n’est pas nouvelle et aurait dû depuis longtemps entraîner une mobilisation conséquente. Une équipe spéciale inter-agences sur la sécurité alimentaire à long terme dans la Corne de l’Afrique avait pourtant été mise en place par l’ONU dès 2000 ; puis une deuxième, sous la direction du président de la Banque mondiale, spécifiquement sur la mobilisation des ressources. Mais le programme n’a jamais décollé, à mesure que la sécurité alimentaire dans la zone repassait en bas de l’agenda.
Ce manque d’engagement, politique et financier, se reflète également au niveau international. Au lendemain de la crise alimentaire de 2007-2008, de nombreux Etats, et en premier lieu au sein du G8, s’étaient mobilisés au sein de l’Initiative de l’Aquila pour la Sécurité Alimentaire, dotée d’un budget de 22 milliards de dollars sur trois ans (juillet 2008). Un rapport d’étape rendu public la veille du G8 de Deauville (avril 2011) estimait à 22% les sommes réellement décaissées, bien loin de suffire au défi fixé : »atteindre la sécurité alimentaire mondiale durable« .
La communauté internationale doit cesser d’attendre que des millions de personnes soient menacées pour se mobiliser et une fois les caméras baissées, ne pas respecter ses engagements. Les discours actuels semblent à nouveau témoigner d’une prise de conscience. La société civile sera particulièrement vigilante à ce qu’ils se concrétisent rapidement et sur le long-terme.
Agir localement aujourd’hui, et pour demain, avec les populations locales
De véritables plans pluriannuels et transversaux, avec des étapes régulières d’évaluation, doivent être mis en place sous l’égide de la FAO. Les projets et actions développés en soutien au développement du secteur agricole dans ces pays doivent se faire en lien avec les organisations locales, seules à même d’assurer une approche cohérente et en lien avec leur territoire; d’autant plus dans le contexte difficile qui perdure en Somalie et qui impacte l’ensemble de la région.
La disparité des situations (politiques, économiques, géographiques…) appelle à ne pas tomber dans une réponse uniforme. Il est indispensable de mettre fin au chaos politique dans la région afin d’assurer un soutien pérenne aux populations, et de renforcer les stratégies locales de développement agricole.
Pour soutenir les acteurs locaux, il est également déterminant que les pays africains prennent mesure de l’importance de leur secteur agricole. La part du budget national consacré à l’agriculture doit dans de nombreux états être très fortement augmentée, et prioritairement à destination de l’agriculture vivrière et pastorale, afin d’assurer leur développement et leur adaptation. Le Kenya a pour exemple consacré en moyenne seulement 4% de son budget à l’agriculture depuis le début des années 2000 alors même que le secteur représente 24% de son PIB et que 78% de la population vit en milieu rural.
La situation sur les marchés de matières premières ne fait qu’exacerber les tensions et les difficultés d’approvisionnement pour les populations les plus vulnérables
La crise alimentaire dans la Corne de l’Afrique est accentuée par la très forte hausse des prix sur les marchés locaux, rendant les denrées de base inaccessibles pour les populations. Selon la Banque mondiale, en une année, le prix du maïs a pratiquement doublé à Nairobi (Kenya) et même plus sur les marchés de Kampala (Ouganda) et de Mogadiscio (Somalie). A Addis Abeba (Ethiopie), les augmentations sont de l’ordre de 64% pour le maïs et 86% pour le blé. Le prix du sorgho a pour sa part explosé en Somalie avec des hausses de 180% sur les marchés de Mogadiscio.
Cette tendance se retrouve sur les marchés internationaux avec, comparé à juillet 2010, une augmentation moyenne de 33% de l’indice des prix de la Banque Mondiale, favorisée par des stocks historiquement bas. La situation dans la Corne de l’Afrique met en avant l’urgence d’une réponse politique cohérente pour lutter contre la volatilité des prix. Le G20 Agricole organisé en juin dernier s’était engagé à s’attaquer aux causes de la volatilité sur les marchés. Cependant le plan d’action adopté n’apporte pas les mesures nécessaires pour répondre au défi alimentaire mondial. La présidence française du G20 qui s’est placée en tête de la mobilisation internationale pour la Corne de l’Afrique, doit d’urgence revoir sa copie.
En matière de stock, seule une étude de faisabilité sur des projets pilotes de réserves d’urgence a été annoncée, bien loin de répondre à la crise. La situation appelle à la mise en place immédiate de stocks alimentaires d’urgence au niveau régional, notamment pour faciliter l’approvisionnement du PAM, mais également de stocks de régulation, gérés de manière transparente, à même de lisser les prix à moyen terme.
Il en va de même pour la régulation des marchés agricoles. La stabilisation des prix des matières premières agricoles requiert une réglementation plus stricte. Il est indispensable d’interdire la spéculation financière sur les marchés virtuels et d’encadrer les pratiques sur les marchés physiques, notamment en imposant des «limites de positionnement ». Ce dossier, désormais dans les mains des ministres des finances du G20 qui se réuniront en octobre, doit faire l’objet de mesures concrètes et immédiates afin de mettre fin aux menaces sur le droit à l’alimentation des consommateurs pauvres et des petits agriculteurs.
Maureen Jorand,
Chargée de mission Souveraineté alimentaire
Direction plaidoyer du CCFD-Terre Solidaire
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