Comment encourager les paysans du Fouta Djallon à passer à l’agroécologie?
La Fédération des paysans du Fouta Djallon ne pouvait orienter ses membres vers l’agroécologie sans en vérifier l’efficacité selon les terroirs.
La Fédération a recensé auprès de ses membres les meilleures pratiques agricoles respectueuses des ressources naturelles, dans le but de les diffuser largement, avec l’appui scientifique de la recherche guinéenne.
Les paysans ont recensé les pratiques locales connues, puis aidés par l’Institut de recherche agronomique de Guinée (IRAG), ils ont testé 6 pratiques sur 16 parcelles pendant 3 saisons. Une fois testées et validées, elles sont modélisées pour une large diffusion.
Mouhamadou Lamarana Diallo est responsable de la cellule « aménagements hydroagricoles » de la Fédération des paysans du Fouta Djallon. Il explique la démarche :
« L’agroécologie ? Certains la présentent comme une innovation. Pour ma part, je la vois comme un retour aux sources. On trouve ces pratiques basées sur l’utilisation respectueuse des ressources naturelles en nombre dans la tradition paysanne. Aussi avons-nous commencé par une enquête de terrain afin de les recenser. »
Main dans la main avec la recherche
En quelques semaines, la Fédération en a compilé plus de cinquante pratiques de cultures traditionelles.
« Au cœur de notre démarche, il y un accord de partenariat avec l’Institut de recherche agronomique de Guinée (IRAG) pour nous aider à analyser cette collecte », explique Mouhamadou Lamarana Diallo .
La première étape a consisté en une rencontre dans le Fouta Djallo. « À 400 kilomètres de la capitale », précise-t-il comme pour saluer ces scientifiques venus reconnaître in situ la valeur de savoirs-faire paysans.
À plus forte raison dans ce Fouta Djallon montagneux, où les trois préfectures couvertes par le programme Sara sont au nombre des plus pauvres du pays.
Association de cultures, rotations et fanes enterrées
« Une analyse initiale nous a conduit à sélectionner les 14 techniques les plus prometteuses », explique Mouhamadou Lamarana Diallo.
L’une des plus courantes consiste à associer plusieurs cultures sur une même parcelle.
Par exemple, des légumineuses plantées entre des rangs de maïs.
La céréale apporte de l’ombre à l’arachide ou au pois d’Angole, qui en retour, par sa capacité à absorber et à fixer l’azote de l’air, contribue à enrichir l’humus de cet élément chimique indispensable à la croissance végétale.
D’autres techniques traditionnelles contribuent à entretenir les sols et à limiter l’épuisement de leur fertilité, telle la rotation sur une même parcelle de cultures aux besoins différents : une année oignon, l’autre pomme de terre par exemple.
On voit aussi des paysans récupérer des fanes d’arachide — généralement jetées après récolte — , pour les sécher et les fractionner avant de les enfouir dans la terre au moment du labour.
Avec les arrosages, la matière se décompose rapidement : un excellent engrais azoté.
Planches creuses et paillage
Le bon usage l’eau est aussi un enjeu central.
Dans le Fouta Djallon, on pratique les planches « creuses » dans le maraîchage. Ce sont des bandes cultivées aux bordures rehaussés qui confinent l’eau des arrosages sur les plants, limitant les pertes vers l’extérieur.
« Les paysans ont amélioré le système au point qu’ils n’ont besoin d’arroser qu’une fois par semaine contre deux à trois fois auparavant, indique Mouhamadou Lamarana Diallo. C’est une grande économie de temps et d’eau. »
La pratique du paillage a également été recensée. Elle consiste à étaler sur les planches des déchets de récoltes, herbes et feuilles. Cette couverture réduit l’évaporation des sols et conserve leur humidité.
Au rang des savoirs-faire les plus intéressants, la Fédération cite également la dispersion, dans les fosses de compostage, de cendres issues d’espèces d’arbres répulsives pour les termites, qui affectionnent les débris végétaux.
Et parmi les techniques de conservation, cruciales pour permettre aux paysans de tenir jusqu’à la prochaine récolte : la constitution d’un lit de sable fin pour entreposer les oignons, notamment, isolés de l’humidité du sol et préservés du pourrissement.
Des essais à la diffusion auprès des paysans
Suite à l’étape de sélection, l’IRAG a réuni l’ensemble des techniciens locaux de la Fédération afin de les former à des protocoles d’essais destinées à qualifier ces « bonnes pratiques » empiriques — performances, mode opératoire, etc.
Puis la fédération est passée à des mises en place en milieu paysan, en conditions réelles de culture.
Pour cela, elle a mobilisé des animateurs-relais, des paysans qui ont été alphabétisés pour transmettre des connaissances et des messages techniques sur le terrain.
Après une première saison, il est prématuré de tirer des conclusions scientifiques, alors que se poursuit par ailleurs la mise en évidence de bonnes pratiques, commente Mouhamadou Lamarana Diallo.
« Cependant, les paysans ont commencé à s’approprier certaines d’entre elles, car ils constatent des améliorations visibles. »
C’est particulièrement évident avec l’enfouissement des fanes d’arachide ou l’association et la rotation des cultures.
« Et l’on voit naître dans les champs des échanges fructueux qui facilitent la diffusion de ces pratiques, se félicite le technicien de la Fédération.
Car finalement, qui de plus convaincant pour un paysan qu’un autre paysan ? »
Les propos de cet article ont été recueillis par Patrick Piro
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