Que devient le Soudan, un an après le référendum
Le 9 juillet 2011, le Soudan du Sud devenait le 54ème Etats d’Afrique. Cette indépendance est le résultat du référendum d’autodétermination organisé en janvier 2011, conformément à l’accord global de paix signé en 2005 entre les autorités soudanaises de Khartoum et l’Armée Populaire de libération du Sud Soudan. Une nouvelle page de l’histoire du Soudan et du Soudan du Sud s’ouvrait alors. Un an après ce référendum où en sont ces deux pays ?
Que devient le Soudan, un an après le référendum
Le Soudan, en perdant un quart de son territoire (20% de sa population) et 36% de ses revenus doit se réorganiser. En réaction à la sécession du Sud Soudan et à la grave crise économique que connaît son pays, le Président soudanais a annoncé à l’automne 2011, le projet d’adoption d’une nouvelle constitution basée sur la loi islamique et sur la suprématie de la culture arabe. Ce projet constitutionnel est un signe de la radicalisation du régime de Khartoum en réponse à la perte du Sud Soudan (vécue comme un traumatisme et un camouflet par les populations soudanaises) et aux risques de contagion des contestations libyennes et égyptiennes. Cette nouvelle constitution remettra en cause celle issue des accords de paix entre le Nord et le Sud Soudan de 2005 et qui garantissait un minimum de liberté d’opinion et d’espace démocratique. Ce projet de constitution basée sur la charia n’est pas populaire au sein de la population nord soudanaise car elle signifie de fait une restriction de la vie démocratique du pays et une marginalisation dans la sphère publique et économique des communautés musulmanes non arabes, mais également des minorités chrétiennes et animistes. Cette perspective de créer ainsi un Etat arabe et musulman est aussi une volonté pour Khartoum de sortir de son isolement en renforçant des alliances avec les nouveaux régimes libyens et égyptiens (via les mouvements islamiques locaux que Khartoum est soupçonné d’avoir aidé pendant les révolutions arabes). Un an après la sécession du Sud, le régime de Khartoum reste toujours en conflits avec plusieurs provinces du pays (Darfour, provinces de l’Est, Monts Nouba) et aucune perspective immédiate de résolution politique de ces conflits.
Le Soudan avait été le premier pays africain à reconnaître l’indépendance du Soudan du Sud, les relations entre les deux pays se sont-elles depuis renforcées ?
Au contraire, les relations entre le Nord et le Sud Soudan, sont loin d’être apaisées. De nombreux litiges frontaliers persistent et les deux pays s’accusent mutuellement d’entretenir des milices rebelles (notamment au niveau de la zone pétrolière d’Abyei, victime de violents affrontements au cours de l’été 2011). Les deux pays dépendent essentiellement des revenus du pétrole (98% du budget du Soudan du Sud) qui est extrait au Sud Soudan et est exporté vers le nord via un pipe-line contrôlé par Khartoum. Ainsi, en décidant d’interrompre la production pétrolière, pour protester contre les frais de transit perçus par Khartoum – et jugés excessifs par Juba- le Soudan du Sud a provoqué en janvier 2012 une crise majeure avec le Soudan. Tension qui a conduit l’Union Africaine a amené les deux pays à signer un pacte de non agression. Accord, violé 48h plus tard par Khartoum qui bombardait la région de Jau, au nord-est du Soudan du Sud en réaction à des attaques rebelles sur son territoire. La perspective d’une reprise de combats violents et généralisés entre le Nord et le Sud Soudan n’a jamais été aussi forte.
Au moment de l’indépendance, beaucoup doutaient des capacités du gouvernement sud-soudanais à affronter les nombreux défis de ce nouveau pays. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Un an après le référendum, tout ou presque reste à construire au Sud Soudan. Les besoins en matière de santé, d’éducation, de nutrition restent toujours aussi énormes et ce malgré la très forte implication de la communauté internationale. L’Etat – miné par des rivalités ethniques et par une corruption parmi les plus fortes du monde – ne joue pas son rôle de coordination des politiques d’aides humanitaires et développement territorial cohérent. Des régions entières (comme celles du nord) restent oubliées et victimes de mouvements rebelles très actifs. L’appartenance ethnique toujours très importante au Sud Soudan demeure un véritable marqueur identitaire qui est utilisé dans les jeux d’acteurs entre les différentes forces politiques en présence au Soudan du Sud. Bientôt, un an après l’indépendance l’avenir de ce jeune pays demeure bien fragile.
Et les populations ?
Les populations du Nord et du Sud subissent de plein fouet les conséquences de ces manœuvres politiques. Les mouvements de déplacés ou de réfugiés fuyant les zones de conflits ou les rivalités ethniques restent très importants. Les tensions transfrontalières, les mouvements de populations et les mauvaises récoltes constatées en 2011 entrainent un renchérissement rapide des denrées. La crise alimentaire ressentie en 2011 est ainsi loin d’être résolue (par exemple, début 2012, la FAO estime à 4,7 millions, le nombre de personnes en difficultés alimentaires au Soudan du Sud).
Mais face à cette situation, que faire ? Où est l’espoir ?
Il est vrai que les défis rencontrés par ces deux pays sont énormes et paraissent hors de portée. Les causes des drames que connaissent ces populations ont d’abord une origine politique, il ne faut pas l’oublier. Seules des solutions politiques globales et articulées au niveau régional pourront permettre de sortir ces deux pays des impasses dans lesquelles ils se sont mis. Il est donc urgent que la communauté internationale, c’est-à-dire les Nations Unies, l’Union Africaine, l’Union Européenne, mettent en place un processus politique contraignant pour obliger les différents protagonistes nord et sud soudanais à sortir de leurs stratégies de désolation. L’espoir vient du fait, que malgré ces difficultés, au Nord comme au Sud Soudan, des personnes courageuses continuent à agir tous les jours sur le terrain. Je pense aux responsables des Eglises chrétiennes ou d’associations locales qui interviennent dans les quartiers ou les villages en recréant du lien social et en délivrant des services sociaux. Ces personnes ont besoin d’être soutenues dans leur action, car c’est par elles que pourra se renforcer un tissu associatif local, indispensable pour aider les populations à être actrices de leur propre développement. C’est un long chemin qui nécessite de la persévérance. Il est de la responsabilité d’organisation de la société civile au niveau international (comme le CCFD-Terre Solidaire) de soutenir ce tissu associatif local.
Philippe Mayol
Responsable du service Afrique au CCFD-Terre Solidaire
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