Rwanda : l’éducation à la paix, vingt ans après
L’association Umuseke a été fondée six ans après le génocide, en 2000, pour éduquer les jeunes Rwandais à la paix. Elle sensibilise chaque année 4 000 jeunes de 10 à 20 ans, et forme des enseignants.
“Aurore, roseau, paille et espoir”. Autant de significations pour le mot Umuseke, en Kinyarwanda. Jacqueline Uwimana, fondatrice et coordinatrice de l’association, est une ancienne assistante sociale et militante pour les droits des femmes.
La vie de cette femme de caractère a basculé avec le génocide de 1994 au Rwanda : elle a alors commencé à travailler avec Médecins du monde et s’est intéressée aux questions d’éducation à la paix.
Son objectif : “Faire changer le regard, donner à vivre un comportement positif, transmettre des outils d’analyse pour ne pas tomber dans le piège des préjugés et de la haine”.
“On ne peut redresser l’arbre que lorsqu’il est jeune”
Ce proverbe rwandais est volontiers cité par Umuseke. Les intervenants de son programme, intitulé “Sentier de la paix”, prennent garde à ne pas se présenter comme des spécialistes.
Animateurs et enseignants formés par Umuseke privilégient le dialogue, pour que les enfants puissent partager leurs expériences et leurs émotions.
“On échange, on réfléchit sur ce qui nous empêche de bien vivre avec les autres, explique Jacqueline Uwimana. On revient sur les phénomènes du bouc émissaire, de la généralisation, du préjugé, du soupçon, de la rumeur et de la discrimination.”
Pour mieux mettre en garde les enfants contre les idées reçues, on leur apprend à se méfier de leurs propres perceptions. Un dessin géométrique représente ainsi deux ronds rouges, entourés de cercles bleus de tailles différentes. Illusion d’optique : on a l’impression que l’un des ronds rouges est plus petit que l’autre, alors qu’ils ont exactement la même taille.
L’association, qui compte cinq permanents, commande pour son travail des dessins figuratifs d’excellente qualité à Kofi K. Léon Kankolongo, un artiste congolais installé au Rwanda.
Depuis 2000, une moyenne de 4 000 enfants suivent chaque année ces ateliers. Les écoles les organisent par séances hebdomadaires d’une heure, sur une base volontaire. A ce jour, plus d’un millier d’enseignants ont été formés.
Les traumatismes du passé
L’un des partenaires d’Umuseke, le Français Michel Affortit, responsable de l’association Par la main, basée près de Montpellier, explique comment le traumatisme laissé par le génocide au Rwanda a évolué : “Tout d’abord, il y a eu un phénomène de déni très fort. Ensuite, le traumatisme est allé en augmentant avec le temps. Petit à petit, ça craque : les souffrances psychologiques ressortent. Les enfants qui n’ont pas vécu le génocide vivent le contrecoup des parents. Les enfants ne sont pas à l’aise avec cette histoire. D’autant que la société rwandaise voue un culte aux ancêtres. Et les grands-parents, qui ne sont plus là bien souvent, ont un rôle très important à jouer.”
Jacqueline Uwimana tempère cependant : “Il ne faut pas tout ramener au génocide. Notre message est universel. Partout dans le monde, on est toujours dans le conflit. Le principe de prévention que nous défendons n’est pas uniquement liée à ce que nous avons vécu”.
Ouverture sur la région et sur le monde
D’où l’importance pour l’association de ne pas se cantonner au seul Rwanda. Umuseke est aussi présente à l’Est du Congo et au Burundi, pour y organiser les mêmes programmes d’éducation à la paix.
Autre volet d’activité : les séminaires. Umuseke souhaite rassembler des experts internationaux pendant quatre jours, en mars 2014, avant la commémoration des vingt ans du génocide. Son thème : “Comment enseigner la paix”.
Parmi les spécialistes rwandais de renom figure le psychiatre Naasson Munyandamutsa, professeur à la faculté de médecine et sous-directeur de l’Institut de recherche et de dialogue pour la paix (IRDP). “Il nous faut un bon plaidoyer pour réunir les fonds nécessaires à l’organisation de ce séminaire, note Michel Affortit. Nous voulons faire venir des spécialistes des universités d’Oxford et de Louvain. L’éducation à la paix, c’est difficile à vendre. Les bailleurs de fonds demandent des résultats concrets, qui sont dans notre cas difficiles à mesurer !”
Sabine Cessou
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