Madagascar, une plateforme associative se mobilise autour de la réforme foncière
A Madagascar, la Solidarité des intervenants sur le foncier (SIF), plateforme nationale de 27 ONG, associations et organisations paysannes, se mobilise pour faire appliquer au mieux la réforme foncière de 2005. Son objectif : promouvoir la sécurité alimentaire, la transparence dans la gestion foncière, et lutter contre l’accaparement des terres.
Acquérir un titre de propriété foncière relevait du parcours du combattant à Madagascar, où les terres sont gérées de manière traditionnelle, au niveau du “fokontany” (village), la plus petite entité administrative malgache.
Une réforme foncière a été entamée par les pouvoirs publics en 2005, pour répondre à une demande massive de sécurisation foncière, de la part de paysans menacés dans leur activité par des mesures d’expropriation qu’il leur était difficile de contester. L’enjeu de la réforme portait aussi sur la sécurité alimentaire – pour éviter des situations où des villages entiers pouvaient être privés de l’accès à la terre, donc à l’agriculture de subsistance.
Une réforme foncière innovante sur le papier
Sur le papier, les lois de la réforme foncière sont apparues innovantes. Elles suppriment la “présomption de domanialité” favorable à l’Etat central, qui pouvait décréter que telles ou telles surfaces de terres relevaient du domaine public, pour ensuite les louer à des opérateurs privés.
Mais dans la pratique, les textes restent difficiles à appliquer. Entre 2006 et 2014, quelque 416 guichets fonciers ont été créés, mais qui ne couvrent que le quart des communes du pays. “Malgré les opérations de facilitation de la certification, cette forme de sécurisation n’est ni massive, ni abordable financièrement”, constate la SIF.
Veille et plaidoyer contre les accaparements de terres
Après une évaluation de la réforme foncière de 2005, la plateforme SIF a estimé que celle-ci était trop focalisée sur la sécurisation foncière, sans grandes avancées sur l’accès à la terre et l’aménagement du territoire. La réforme, certes nécessaire, a souffert de ne pas être accompagnée par une politique agricole volontariste en matière de sécurité alimentaire.
En outre, la réforme foncière n’a pas empêché le phénomène de l’accaparement de terres de s’amplifier sur la Grande île. La nouvelle loi reconnaît les droits “non écrits” sur la terre, avec une présomption de propriété privée sur les occupations foncières par des paysans. Or, les agents de l’Etat continuent de s’en tenir à l’ancienne loi, faisant valoir une “présomption de domanialité” pour octroyer des terrains aux investisseurs…
Fin 2013, la SIF s’est mobilisée contre un projet d’extraction de fer à Soalala par la société chinoise Wisco, qui s’est soldé par l’accaparement de 43 000 hectares de terres sur trois communes dans la région de Boeny. Les méthodes dénoncées par la SIF sont récurrentes à Madagascar : l’Etat immatricule à son nom les périmètres qui intéressent des investisseurs étrangers, puis loue ces terrains à l’investisseur en ayant recours à un bail emphytéotique (de longue durée, 99 ans). « Les permis miniers ne valent pas propriété foncière », rappelle la SIF dans son action de plaidoyer.
Une stratégie nationale d’engagement sur le foncier
Pour répondre à tous ces enjeux, la SIF a proposé une Stratégie nationale d’engagement sur le foncier (NES) aux autorités. Cette initiative est soutenue par le CCFD-Terre Solidaire. Son objectif : clarifier une fois pour toutes la question de l’accès à la terre, dans l’optique de la sécurité alimentaire.
Concrètement, il s’agit d’appuyer les communes pour le recensement des parcelles, en vue d’un plan local d’occupation foncière, d’un schéma d’aménagement et d’un recensement fiscal.
Cette stratégie vise aussi à compiler des données informatisées et cartographiées, pour démontrer les liens étroits entre la question foncière, l’aménagement du territoire et la sécurité alimentaire. Ces données permettront d’appuyer le plaidoyer sur la politique foncière à Madagascar, et pourront servir à l’Etat comme aux communes dans l’élaboration de leurs politiques.
Le projet Land Matrix contre l’accaparement des terres
Un second projet a été lancé en 2012 par la plateforme SIF, intitulé « Land Matrix » et soutenu par le CCFD-Terre Solidaire comme par l’International Land Coalition (ILC). Ce projet de veille entend protéger les droits des paysans sur la terre, face à la promotion des grands investissements fonciers. Son objectif : instaurer des structures de veille au niveau local, mais aussi un cadre de dialogue entre l’Etat, les investisseurs et la société civile.
L’idée consiste à discuter en amont, de manière systématique, des droits des paysans avant chaque grand projet d’investissement. Et, le cas échéant, de trouver des solutions pour la relocalisation et leur indemnisation.
Le projet Land Matrix s’est déjà traduit par un atelier national organisé en mars 2012, qui a permis à plusieurs ONG et deux ministères (Tourisme et Mines) de partager leurs informations et points de vue. Land Matrix a été présenté comme un outil de communication, permettant de partager des données entre la base et le sommet, de manière à œuvrer pour la transparence des transactions foncières et la prévention des conflits.
Sabine Cessou
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