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Centrafrique : le CCFD-Terre Solidaire consolide son soutien à la société civile

Publié le 30.05.2016| Mis à jour le 02.01.2022

Au début de la crise politique en 2012, le CCFD-Terre Solidaire n’a pratiquement plus de partenaires dans ce pays, malgré quelques tentatives de soutien à la société civile, comme lors du forum social en 2004. Il se concentre alors sur l’appui, réussi, à un réseau en faveur des enfants des rues (RFERC). Bruno Angsthelm, chargé de mission au CCFD-Terre Solidaire, revient sur les choix de partenariat, les actions et moyens mis en œuvre en Centrafrique depuis 2012.


C’est à travers la riche expérience au Tchad que le CCFD-Terre Solidaire et l’Agence de coopération et de recherche pour le développement (ACORD) imaginent, conçoivent et mettent aujourd’hui en œuvre un Programme Paix dans plusieurs pays de la sous-région. C’est grâce à ce programme que le CCFD-Terre Solidaire a pu agir au cœur de la crise en Centrafrique, et (re)construire un partenariat, déjà solide et diversifié, selon quatre grandes priorités.

En premier, la sécurité des populations. Après que la Séléka – coalition de partis politiques et forces rebelles opposés au président centrafricain François Bozizé – prend le pouvoir en mars 2013, rapidement des milices anti-balakas – créées en 2009 par des paysans à l’origine pour lutter contre les coupeurs de route – se remettent en place. La confrontation entre « milices dites musulmanes » et « milices dites chrétiennes » commence, pour aboutir le 5 décembre 2013 à un déchainement de violence collective contre les musulmans, obligeant la plupart à quitter le pays.

Au même moment l’armée française intervient en première ligne et tente de stabiliser le pays, jusqu’à l’arrivée des forces onusiennes un an plus tard. Le Programme Pays du CCFD-Terre Solidaire y contribue en envoyant en septembre 2013 à New York, une délégation de la société civile centrafricaine – un prêtre, un pasteur, une députée indépendante et un militant des droits humains – qui convainc le Conseil de sécurité, et en particulier le Rwanda, fervent opposant, d’autoriser le déploiement de la force française.

Pour aider les communautés en détresse, contribuer aux efforts de la plateforme interconfessionnelle à Bangui qui fait seule face à la crise, et appuyer le diocèse de Bossangoa dans le centre du pays, un projet d’urgence – alimentation, couvertures, hygiène – est rapidement mis en place.
En parallèle, ACORD développe un large programme de réhabilitation et d’appui à la production agricole à la base.

La question peuhle, un enjeu clé de la réconciliation

Faire alliance avec les communautés peuhles constitue la deuxième priorité du programme. Pour le CCFD-Terre Solidaire, il s’agit de pouvoir contribuer à une problématique clé de la paix dans la région, les conflits agriculteurs-éleveurs, mais aussi les crises liées aux transhumances transfrontalières.

Cela se traduit par une mobilisation rapide auprès de cette communauté victime de la crise, car perçue comme agressive, peu connue et « en plus musulmane ». Le CCFD-Terre Solidaire et ses partenaires mettent ainsi en place un mécanisme de protection des dirigeants de l’Association pour l’Intégration et le Développement Social des peuhls-MBororo de Centrafrique (AIDSPC) au Tchad et au Cameroun, puis aident à la création d’une plateforme sous-régionale peuhle pour organiser la solidarité avec cette communauté de Centrafrique.

Mais la question peuhle devient vite un enjeu clé de la réconciliation. Le Programme Paix soutient alors la publication par l’AIDSPC d’un rapport qui démontre que les peuhls sont les victimes principales du conflit et non des assaillants tels qu’ils sont perçus dans la société. Un document qui permet de modifier la perception de la société civile, des autorités et agences internationales sur cette communauté.

Le CCFD-Terre Solidaire facilite ensuite le retour de l’AIDSPC à Bangui, capitale de la République centrafricaine, qui participe ainsi au Forum national de réconciliation en avril-mai 2015 et relance ses activités de plaidoyer. Un projet de suivi dans les camps de réfugiés au Cameroun et au Tchad est alors mis en place pour coordonner l’aide et la protection issue des gouvernements, ONG, du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ou encore de la Cour pénale internationale (CPI).

A la mi-2016 est prévu un grand forum national des leaders communautaires peuhls pour que ces communautés fassent un bilan de la crise et s’engagent collectivement dans la réconciliation, la promotion de la citoyenneté et le vivre ensemble. Par ailleurs, un large débat orgarnisé par la plateforme KAWTAL se tiendra à la fin de l’année entre communautés transhumantes tchadiennes, camerounaises et centrafricaines pour tenter d’obliger les États à réguler la transhumance transfrontalière.

Miser sur la jeunesse

Le Programme mise aussi sur la jeunesse et sa capacité à incarner une nouvelle société plus ouverte, capable d’agir pour la paix et la réconciliation dans le pays. Dès fin 2012, le CCFD-Terre solidaire réuni des associations de jeunes chrétiens et musulmans pour comprendre leurs perceptions de la crise, lesquels mènent ensuite spontanément des actions de protection des lieux de culte et des personnes ciblées par les uns ou les autres.

En 2014, ces associations se regroupent dans un collectif, la PIJCA – plateforme interconfessionnelle de la jeunesse centrafricaine soutenue par le CCFD-Terre Solidaire – qui rassemble 18 organisations de jeunes de toutes confessions. Le CCFD-Terre Solidaire décide de les convier à participer au Forum national de la société civile centrafricaine en juin 2014, puis leur permet quelques mois plus tard, de découvrir les expériences d’associations sur la promotion de la citoyenneté et le vivre ensemble au Cameroun et au Tchad.

En février 2015, la PIJCA organise un forum de la jeunesse pour que les jeunes puissent s’exprimer d’une seule voie lors du grand forum national de réconciliation. Des Ministres, des leaders rebelles, et bien d’autres viennent les rencontrer pour échanger. La plateforme est également très active pour l’apaisement et la réconciliation à la base grâce à tous ses membres très ancrés dans les communautés du pays et des quartiers de la capitale.

En 2016, la PIJCA bénéficie d’un large programme de formation de ses membres à la médiation sociale avec un rôle spécifique pour les filles dirigeantes, afin de les renforcer dans leur action à la base.

Chronologie de la crise en images, un cheminement de la violence à l’apaisement :

Soutien à la société civile, en pleine crise

Une autre priorité retenue dans le Programme Paix est l’appui à la société civile, formée d’élites de la capitale, peu ouverte sur le monde, pas très concernée par ce qui passait dans le reste du pays, et peu connectée avec les autres pays africains. La crise l’oblige à se questionner, à renouveler sa pensée et ses pratiques et permet l’émergence de nouveaux acteurs.

Le CCFD-Terre Solidaire est alors à ses côtés. D’abord par la mission de plaidoyer aux États-Unis en septembre 2013, puis avec le forum national de la société civile en juin 2014, et la publication en 2013 et 2014 d’un petit journal de la société civile Sango [[Reparution prévue en mai 2016]] pour « avoir une parole publique » dans un univers confisqué par les ONG internationales.

Le Programme Paix aide par ailleurs à la mise en place du ROSCA qui rassemble des acteurs clés de la société civile centrafricaine, mais en dehors des structures associatives existantes. Le ROSCA souhaite être un relais de nouvelles manières de vivre et de structurer la société civile, et vise à élargir le champ de la réflexion et de la connaissance. [[Un rapport sur la crise 2012-2015 est en préparation, organisation de conférences-débats, des formations politiques…]] Un projet mené avec le CSPAR-Tchad – Comité de suivi de l’appel à la paix et à la réconciliation, partenaire du CCFD-Terre Solidaire – facilite un dialogue difficile Tchad / RCA – le Tchad est accusé d’être responsable de la crise – et permet à la société civile centrafricaine de mieux comprendre les interactions géopolitiques de la région.

Le CCFD-Terre Solidaire démarre aussi un partenariat avec une plateforme civique GTSC – Groupe de travail de la société civile – qui « surveillera » l’action des tous nouveaux parlements et gouvernement. Le GTSC et le ROSCA bénéficieront d‘une formation en Afrique du Sud par un autre partenaire du CCFD-Terre Solidaire, le CPLO – Bureau Catholique de Liaison avec le Parlement – pour avoir les compétences en ce sens.

Et la suite ?

En l’espace de trois ans, grâce au Programme Paix qui donne au CCFD-Terre Solidaire une vision globale à long termes, des objectifs opérationnels et des moyens, l’organisation a pu (re)construire un partenariat diversifié de grande qualité avec PIJCA, AIDSPC, ROSCA. Et consolider des liens existants avec des organisations de droits humains comme l’Observatoire centrafricain des droits de l’Homme (OCDH), lequel mène avec l’appui du Programme Paix, un projet de résolution de conflits par la médiation sociale dans la région de Paoua.

Le CCFD-Terre Solidaire aide maintenant ces partenaires à ancrer leurs actions dans le pays en leur permettant de structurer leur mouvement afin de peser efficacement sur les processus de réconciliation à la base et créer progressivement davantage de confiance entre les acteurs.

Avec le calme retrouvé dans le pays, dès 2017, le CCFD-Terre Solidaire s’engagera vers les organisations communautaires de base pour démarrer des processus de développement, de réhabilitation et de réconciliation.

D’ici quelques années, on peut donc imaginer – lorsque les ONG internationales quitteront le pays – que le CCFD-Terre Solidaire avec le Programme Paix et tous les partenaires seront largement présents en République centrafricaine et représenteront une force commune au service du bien collectif, dans le développement d’une société pacifique et coopérative à la base, dans le vivre ensemble et la réconciliation, et aussi dans la promotion d’un État de droit démocratique au service des populations.

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