Guinée : les dimensions sociales et économiques de la lutte contre le virus Ebola

Publié le 28.04.2015| Mis à jour le 07.12.2021

Acord Guinée, partenaire du CCFD-Terre Solidaire dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, continue de lutter contre toutes les dimensions de la fièvre hémorragique du virus Ebola : sanitaires, mais aussi politiques, sociales et économiques.


Ebola reste un enjeu important en Guinée, même si l’endémie qui s’est déclarée en janvier 2014 est désormais en voie de résorption dans ses foyers initiaux de Macenta et Nzérékoré, en Guinée forestière, région sud du pays. « Le travail de la société civile, la mobilisation nationale et internationale ont permis de contenir l’épidémie en sensibilisant sur les comportements à risque », observe Isabelle Manimben, chargée de mission du CCFD-Terre Solidaire pour la Guinée. Le foyer de l’épidémie s’est déplacé : les nouveaux cas sont aujourd’hui détectés en Basse-Guinée et à Conakry, la capitale, ainsi que dans les préfectures proches de la frontière avec la Sierra Leone.
« De fait, l’épidémie n’a pas été vaincue dans ces localités », poursuit Isabelle Manimben, soulignant le fait que « les communautés ne déclarent pas forcément les malades, en raison des risques de stigmatisation qu’implique leur mise en quarantaine, et parce que l’incinération des corps des défunts va à l’encontre des traditions ». Et ce, alors que les enterrements traditionnels présentent de forts risques de contamination des familles.

La cohésion sociale, un enjeu majeur en Guinée

Le virus Ebola a révélé à quel point l’enjeu de la cohésion sociale reste crucial en Guinée, un pays clivé par des tensions politiques entre le pouvoir et l’opposition avec comme répercussion des tensions entre communautés. Le partenaire du CCFD-Terre Solidaire, Acord, présent en Guinée et particulièrement en Guinée forestière depuis 1986, travaille depuis 2006 à la consolidation de la paix et l’instauration d’un climat de dialogue. Cette zone frontalière de la Sierra Leone, du Liberia et de la Côte d’Ivoire a été fragilisée par les conflits civils respectifs qu’ont traversés ces pays, dans les années 1990, 2000 et 2010 – avec vagues successives de réfugiés, insécurité et présence de groupes armés et de mercenaires.

« Ebola a aggravé la méfiance entre populations, mais aussi entre les populations et les responsables politiques, explique Isabelle Manimben. On a noté une certaine instrumentalisation politique de l’épidémie par des élites qui ont lancé des rumeurs et se sont livrées à de la désinformation, en laissant entendre par exemple qu’Ebola n’existait pas, mais qu’il s’agissait d’un prétexte pour ne pas organiser les prochaines élections ».

La Guinée sort depuis la présidentielle de 2010, remportée par l’opposant historique Alpha Condé, d’une phase chaotique de transition politique, commencée en 2008 après la mort de Lansana Conté, qui était au pouvoir depuis 1984.

Néanmoins, les tensions sont restées si vives qu’elles ont abouti au déni de la réalité de l’épidémie par certains et au rejet des programmes gouvernementaux de sensibilisation et de prévention. « À tel point que des équipes envoyées dans certains villages ont été attaquées par les populations, persuadées qu’elles venaient pour inoculer le virus – et non aider à s’en débarrasser », rappelle Isabelle Manimben. Cette méfiance a fortement freiné les efforts de lutte contre l’épidémie, et en partie expliqué son ampleur en Guinée.

L’impact économique de l’épidémie

Acord Guinée, face à une épidémie intervenue dans sa zone « traditionnelle » d’intervention, a renforcé la sensibilisation par le biais des leaders locaux – et non par des intervenants étrangers soupçonnés de manipulation. L’appui du CCFD-Terre Solidaire en 2014 répond à la fois à une situation d’urgence mais également à des enjeux de plus long terme : Il vise à sensibiliser sur le virus, à renforcer la sécurité alimentaire, mais aussi à renforcer les efforts déjà engagés pour enraciner une dynamique de dialogue et de prévention des conflits.

Concrètement, des campagnes de prévention ont été organisées avec l’aide de cadres de concertation communautaire et de volontaires. Des kits de prévention ont été distribués à 120 ménages des zones affectées, ainsi que des intrants agricoles afin de soutenir leur production vivrière.

Car l’impact le plus méconnu du virus s’avère économique : le commerce a été ralenti et la pauvreté s’est accrue, sur fond de flambée des prix de certains produits alimentaires. « La Fédération des paysans du Fouta Djalon, dans le centre du pays, n’a pas été directement frappée par le virus Ebola, note Isabelle Mandimben, mais elle a été pénalisée par la fermeture des frontières avec le Sénégal en 2014 et par le ralentissement général de l’économie ». La Sierra Leone et le Liberia ont été si gravement touchés par le virus Ebola que les échanges commerciaux, traditionnellement très intenses avec les populations guinéennes en ont été affectés. Face à cette épidémie qui dure, ces pays sauront-ils trouver des solutions durables sur le plan sous-régional ?

Sabine Cessou

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