La famine frappe le Soudan du Sud en pleine guerre civile

Publié le 19.04.2017| Mis à jour le 08.12.2021

Le 20 février 2017, l’état de famine a été déclaré au Soudan du Sud. Moissons incendiées, champs désertés et routes coupées : la situation ne cesse de s’aggraver, conséquence d’une guerre civile dramatique


Dans un contexte où, selon un rapport des Nations unies, au moins la moitié du budget du pays serait consacrée à l’achat d’armes, l’état de famine a été déclaré par l’Onu au Soudan du Sud, le 20 février 2017. L’alerte signifie que des personnes meurent déjà de faim.

Au Nord, dans les zones où se concentrent les combats près des gisements pétroliers, les familles ont perdu leur bétail et leurs outils agricoles.

Au Sud, les provinces d’Equatoria qui constituaient le grenier du pays ne sont pas épargnées. Les soldats ont brûlé une partie des récoltes, les cultivateurs désertent les champs pour fuir les exactions et les produits ne circulent plus.

L’acheminement de l’aide alimentaire s’avère très délicat. Certaines régions ne sont accessibles que par des largages aériens, ce qui renchérit considérablement le coût de l’aide.

Selon l’Onu, 100 000 personnes sont actuellement confrontées à une situation de famine et 42% de la population, soit 4,9 millions de personnes, nécessitent une aide alimentaire, nutritionnelle et agricole d’urgence.

Des espoirs de paix et de développement brisés

L’espoir de paix suscité par l’accession du Soudan du Sud à l’indépendance en 2011 aura été de courte durée. A l’époque, les défis à relever étaient immenses.
Sa population, dont la moitié a moins de 17 ans, figure parmi les deux plus pauvres de la planète[[L’autre pays est le Niger, le plus pauvre de tous selon l’indice de pauvreté multidimensionnelle du PNUD]] .

Le pays dispose pourtant d’environ 30 millions d’hectares propices aux cultures vivrières et commerciales, mais seules 5% de ces terres sont cultivées. Administration et infrastructures : tout est à construire bien plus qu’à reconstruire.

Sans compter la gestion de la démobilisation, la prise en compte des populations déplacées, des personnes handicapées, des enfants non scolarisés… Le taux d’alphabétisation de la population est de seulement 27%.

Tous ces défis exigeaient l’unité nationale pour être relevés.

« Or le ciment national, c’était le combat pour l’indépendance. Quand le Soudan du Sud y est parvenu, plus rien ne réunissait les forces en présence » explique Bruno Angsthelm, chargé de mission Afrique au CCFD-Terre Solidaire.

Très vite les tensions s’exacerbent au sein du SPLM (Sudan People’s Liberation Movement), le parti unique au pouvoir. Fin juillet 2013, le président Salva Kiir limoge l’ensemble du gouvernement, dont son vice-président Riek Machar, et refuse l’organisation d’élections. Le pays plonge dans sa troisième guerre civile.

La guerre est devenue la norme et la paix l’exception

Depuis 1955, des générations entières de Soudanais du Sud n’auront connu que la loi des armes avec son lot de pillages, de viols et d’exécutions les plus atroces.

Trois millions de personnes déplacées et 80 000 morts : c’est le bilan officiel de la guerre en cours. Mais, confiait l’historien Gérard Prunier au journal Le Monde, début février 2017 :

« Je ne serais pas surpris qu’il atteigne 300 000, voire 500 000 morts. Comme dans tous les conflits de ce type, 80 % des victimes meurent d’épuisement, de faim, de maladies. Pas dans les combats ».

En décembre 2016, le conseiller spécial de l’Onu pour la prévention des génocides a alerté sur les crimes dont sont en particulier victimes les Nuer, l’ethnie de l’ancien vice-président Riek Machar. Il serait hâtif de conclure pour autant à un conflit communautaire. Les experts s’accordent sur un point : les guerres qui sévissent dans les différentes régions de la République du Soudan et du Soudan du Sud ont pour mobiles communs l’accaparement du pouvoir et des richesses (en particulier celles issues de minerais et du pétrole) au profit d’une petite élite qui instrumentalise les ressorts religieux ou identitaires.

Parer à l’urgence tout en préparant l’avenir

Avec l’ONG africaine ACORD, le CCFD-Terre Solidaire est impliqué depuis plusieurs années dans un vaste projet dit Programme Paix, mené conjointement au Soudan du Sud, au Tchad et en République centrafricaine. Dans ces pays meurtris par de longues années de conflit, l’objectif est d’accompagner les initiatives locales en faveur du développement et de la résilience.

Mais au Soudan du Sud la situation est devenue si grave qu’elle a forcé les partenaires locaux à réorienter leurs actions. Atténuer l’intensité de la crise alimentaire, empêcher qu’elle ne se propage et plus globalement mettre fin à ce chaos meurtrier s’imposent désormais comme une priorité.

ACORD se concentre sur le quotidien des réfugiés et des déplacés internes, poursuivant notamment :

  • la distribution d’outils et de semences aux foyers les plus vulnérables,
  • l’accès à l’eau potable et aux services sanitaires,
  • la formation des moniteurs agricoles et des agents de l’Etat…

Le CCFD-Terre Solidaire s’est également rapproché des sections sud soudanaises de Justice et Paix et de Caritas pour répondre aux besoins immédiats d’une population démunie de tout. Dans l’état de déliquescence du pays, les Eglises catholiques et protestantes restent en effet un trait d’union essentiel entre les habitants, et parmi les seules structures encore debout.

Bénédicte Fiquet

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