Les conséquences de la hausse des prix alimentaires dans le contexte du Mozambique

Publié le 21.04.2008| Mis à jour le 08.12.2021

Eric Perrin, de l’association Kulima, analyse en détail la manière dont la crise alimentaire affecte la situation économique et sociale d’un pays en pleine reconstruction après des années de guerre civile.

Eric Perrin, Kulima 

 

Maputo, le 20 avril 2008

 

Le problème de l’augmentation constante des denrées alimentaires préoccupe beaucoup Kulima ici au Mozambique.

La situation ici est préoccupante à court terme, cependant je pense qu’à long terme le pays est capable de digérer ces problèmes car il possède un bon potentiel de production agricole, et surtout une population dynamique et capable de s’adapter pour répondre aux chalenges.

En Février il y a eu une journée d’émeute générale à Maputo, cela n’était jamais arrivé.

La cause n’était pas la hausse des prix du riz, de l’huile ou du pain, mais la hausse des transports publics.

Le lendemain le gouvernement a congelé le prix de ces transports créant un très complexe système de compensation du prix du diesel, qui en vérité bénéficie seulement les gros transporteurs ayant d’importantes flottes et des comptabilités organisées. Moins de 10% des véhicules de transport publics de Maputo. L’important pour le gouvernement était de museler cette révolte populaire avant qu’elle ne s’amplifie.

Il a été mis a jour que la police et l’armée étaient incapables de tempérer et calmer des émeutes, elle ne faisait que les attiser chargeant systématiquement la population révolté, il y a eu de morts et de nombreux blessés, des voitures brûlées, des commerces pillés. La population a été terrorisée, le pouvoir lui aussi eut très peur, il a lâché du leste immédiatement, mais je pense que rien n’est réglé.

Au fil des années il s’est crée deux Mozambique, un Mozambique des villes et un Mozambique rural. Le Mozambique rural, se développe lentement mais sûrement, les écoles rurales se construisent, des professeurs sont formés et affectés, la population bénéficie progressivement de centre de santé de proximité, les hôpitaux provinciaux sont chaque jour mieux équipés et disposent de personnel mieux qualifié, les résidents ruraux voient leur ressources augmenter, leur qualité de vie, le téléphone cellulaire, la télévision ont fait leur apparition il y a un sentiment de développement qui bénéficie la majorité.

Dans les viles principalement Maputo la situation este très différente, les riches sont toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres, marginalisés laissés pour compte de la croissance économique. Avec les hausses récentes des produits de base le petit peuple n’arrive plus a survire.

Avec la hausse des carburant les transports publics avaient en une journée quasiment doublé le prix d’un trajet !

Depuis un an le prix d’un sac de 25 Kg de riz nécessaire chaque mois à une famille de base est passe de 200,00 à 450,00 Mts et selon les prévisions, il est encore susceptible d’augmenter.

Le prix d’un sac de farine a pain de 50 kg est passe de 400,00 a 1.200,00 Mts

Le prix d’un bidon de 5 litres d’huile alimentaire de 160,00 a 400,00 Mts

Le salaire de base est de 1.550,00 Mts 40€ le prix de seulement 40 litres de diesel !

Dans le même temps dans une même entreprise la fourchettes de salaires va de 1 a 50 ou même 100 ou encore plus, le pacte social a complètement explosé.

Le gouvernement a peur, en privé les politiques le reconnaissent, mais ils sont incapables de prendre des décisions, comme subventionner le prix du riz vital pour les plus pauvres.

Le Mozambique est un pays émergent qui depuis 15 ans connaît une forte croissance continue due à plusieurs facteurs.

  • Le pays est parti d’une situation désastreuse sur les plans socio-économique et moral en 1992, date de la signature de l’accord de paix Renamo/Frelimo, et dans ce sens il ne pouvait que progresser.
  • Le pays a la chance d’être géographiquement bien positionné, voisin de l’Afrique du Sud, qui a peu près au même moment que l’arrivée de la Paix au Mozambique en finissait avec l’apartheid et a donc pleinement profité de la renaissance sud africaine.
  • Le Mozambique a suivit une politique très libérale, déroulant le tapi rouge aux investisseurs, même si parfois il y a des problèmes de bureaucratie, de corruption et une Loi du travail protectionniste.
  • Le Mozambique est un pays plus métissé que d’autres en Afrique et les diasporas sont revenues investir apportant des contributions appréciables (financière mais aussi de transfert de techniques et de mentalités).
  • Le Mozambique après le succès de l’Accord Général de Paix a été le chouchou des Nations Unies et de nombre de pays, il a su profiter de nombre de coopérations, de projets.
  • Le pays a massivement investi dans l’éducation et la santé, et même s’il y a de la corruption l’administration fonctionne bien, mieux chaque année.
  • Même si l’année 2000 pour cause d’inondations avait été une année perdue, la machine économique est en croissance constante. Cette croissance est basé sur des valeurs plus sures que la croissance d’autres pays comme l’Angola dont la croissance est stimulé par le pétrole, la croissance mozambicaine est due au tourisme en pleine expansion, a des gros projets industriels comme l’aluminium, les sables lourds, a des productions agricoles d’exportation (sucre, noix de cajou, crevettes etc.). L Mozambique possède un énorme barrage électrique, qui couvre largement ses besoins, ses ports sont des plaques tournantes pour les pays de l’inter.land, même si en ce moment le Zimbabwe est en marasme, les ports et chemins de fer récupèrent.

Ce scénario est cependant depuis peu assombri para les hausses des matières premières. Et les différences croissantes entre classes économiques. Sentiment de frustration d’une partie de la population qui se sent laissée pour compte.

  • Dans les villes en particulier Maputo explose une classe émergente toujours plus riche et vivant sur un model occidental, cependant que les classes pauvres sont toujours plus défavorisées, marginalisées.
  • Cette question de pauvreté urbaine n’avait que peu préoccupé le pouvoir, les nouveaux riches émergents souvent liées à la Frelimo, au monde des entrepreneurs et de l’administration s’étant progressivement coupé du peuple de base, ceci fait exploser petit a petit la stabilité sociale.
  • Dans les zones rurales l’impact de la hausse internationale des denrées alimentaires, n’est pas trop grave. Elle peut être même favorable pour certains petits producteur de notre région de Inhambane qui vendent informellement leur production aux transporteurs qui retournent a vide ver Maputo, depuis peu nous pouvons constater d’ils ont drastiquement augmenté le prix de leurs production (manioc, noix de coco, haricot etc,) s’indexant de manière encore inexpliqués sur les constantes hausses des prix du riz, pain.

Cause de tentions futures.

Les frustrations du peuple face a la classe des « émergents ».

  • Un grand nombre de jeunes éduqués niveau BAC (réussite de la politique d’éducation de ces dix dernières années sont sans emploi), ils se sentent frustrés face a l’impossibilité de partager les fruits de la croissance économique très visible ici au Mozambique. (Ces 5 dernières années ont émergé des centres commerciaux de luxe, des condominiums d’habitations réservées, une jeunesse dorée menant grande vie avec voitures de luxe, portables et vêtements dernier cris…) Les jeunes pauvres côtoient ce monde, regardent la T.V. et savourent les émissions qui vantent ces modèles auxquels ils n’ont pas accès. Résultat beaucoup de frustration!
  • En conséquence une drastique recrudescence du banditisme chez les jeunes, prostitution, les banlieues sont de véritables coupe gorge la nuit, les quartiers bourgeois sont couvert par des armés de vigiles et d’entreprises de sécurités.
  • Pour cause d’un marche du travail formel très limité et en grande partie réservé aux diplômés de l’enseignement supérieur, la majeur partie de la population urbaine survie de petits boulots informels, principalement dans le commerce, la construction pour les « émergents » et comme employés domestiques chez ces mêmes « émergents ». De nouveau beaucoup de frustration devant la richesse croissante et ostensive des nouveaux riches!

– Une police inopérante, une insécurité croissante, et comme exutoire des tentions sociale une recrudescence des lynchages des délinquants dans les quartiers.

Sources de préoccupation en relation a production de denrées alimentaires.

  • Beaucoup de terre agricole existante, mais peu de terres disponibles pour qui veut produire dans la zone Sud du Mozambique. Ces 10 dernières années les « émergents » liées au pouvoir ont réquisitionné de grandes extensions de terre avec prétexte de réaliser d’importants projets de production agricole. Mais presque aucun projet d’impact réel n’a encore été réalisé. Le gouvernement prétend réallouer ces terres a des opérateurs plus sérieux. Cependant, comme les bénéficiaires de la distributions sont pour la plupart des personnes lies au pouvoir, nous pouvons fortement douter sur le fait que cette redistribution soit faite ou qu’elle soit efficace.
  • Création de grandes distilleries pour la production d’éthanol pour couper l’essence. Inauguration de ces projets lors de la visite du Président Brésilien Lula da Silva en 2007. Ces mega projets vont mobiliser beaucoup de terres de première qualité et d’eau d’irrigation prélevé dans les rivières. Même si le pouvoir certifie que cela ira créer de nombreux postes de travail permanent et aussi saisonnier (coupeurs de canne). Les terres destinées a la production de canne a sucre pourraient aussi produire des céréales.
  • Attribution de grands espaces pour la plantation de « Jafrofa » (plante oléagineuse de la famille du ricin), les graines de jatrofa sont utilisé dans la production de bio Diesel, de nombreuses entreprise, principalement Anglaises ont déjà construit de très grandes usines de trituration des graines de Jatrofa, ces usines tournent encore au ralenti car la production est encore insignifiante. Cependant, ces mêmes compagnies incitent les paysans du secteur familial à planter du jatrofa, leur promettant de hauts bénéfices lors de la vente des graines. Renforçant ce processus, le président de la République Armando Guebuza lors de ses visites de « gouvernance ouverte » a chaque district insiste a visiter les plantations de jatrofa, quand ils rencontre de grands producteur de Jatrofa, ils les récompense, cas contraire, des fonctionnaires locaux sont réprimés pour ne pas avoir suffisamment stimulé la plantation de jatrofa. Nous pouvons craindre que tous ces avantages fassent que de nombreux producteurs laissent les cultures traditionnelles pour se concentrer à la production de graines de jatofa pour la production de Bio diesel. Dans la seule province de Inhambane plus de 500.000 ha ont été attribués à des entreprises de production de bio diesel et presque tous les paysans du secteur familial sont sollicités pour produire des graines de jatrofa.
  • Le prix du transport du local de production au local de consommation est parfois plus élevé que le prix des propres marchandises transportés. Le Mozambique a fait de gros efforts de réhabilitation des routes principales, un pont sur le Zambèze dans le centre du pays qui était le dernier point noir est en construction, cependant, les zones de fortes production sont souvent très enclavés, comme le cas de la province du Niassa au nord du pays, des donnés du bulletin de vigilance des prix des denrées alimentaires, montrent qu’avec la hausse du prix des carburant le transport de céréales de la province de Niassa a Maputo coûte le même prix que l’achat de ces mêmes céréales aux producteur locaux !

Réponses actuelles.

  • Depuis une année, le pain est coupé a 20% avec de la farine de manioc très bon marché ici, cette mesure ne doit jouer que dans une réduction de 10% du prix du produit final, mais montre une volonté de trouver des solutions même petites.
  • Campagne « produire et consommer Mozambicain » et le label « Made in Mozambique », pour les produits locaux.
  • Ouverture régionale des frontières de certains des pays de la SADC dont le Mozambique (une intégration du type CEE années 80). Donc meilleur flux de denrées alimentaires des zones comme excédents a bas prix vers les zones déficitaires et a prix élevés. (d’autres observateurs dissent que cela peut avoir un l’effet négatif pour l’économie agricole Mozambicaine, mal préparé à cette intégration!)
  • Augmentation du cheptel de 20% par an depuis 1994, le Mozambique possède de larges plaines de savane propice à la production bovine et caprine, le prix de la viande bovine n’a presque pas augmenté depuis 15 ans.
  • Système de vigilance des prix des denrées agricoles, des stocks de production et conséquente information aux opérateurs commerciaux, chapoté par le ministère de l’agriculture, avec un réseau d’informateur dans chaque district, publication d’un bulletin hebdomadaire, information lors d’un télé journal de la chaîne d’état chaque semaine.

Ministère de l’agriculture corrompu

  • Contrairement aux ministères de la santé et de l’éducation, dont le fonctionnement des services de base est globalement satisfaisant, avec des résultats de qualité de prestation de service au peuple en constante évolution positive. Le ministère de l’agriculture perdure dans une situation de « zone tribale » mal contrôlé par l’état, y règne l’incompétence et la corruption, trois ministres en trois ans, l’incendie douteux du ministère en particulier de l’étage concentrant l’administration du projet pro-agri de 250 millions de dollars une semaine avant un audit qui s’annonçait sulfureux. Plus de 4×4 dans le parque auto du ministère a Maputo que dans les provinces. Des concours d’attribution des projets truqués et bénéficiant des entreprises amies, des appels d’offre ou la corruption règne. Le ministère de l’agriculture a beaucoup reçu des coopérations, mais n’a presque rien redistribué au niveau des paysans de base. Pro-agri.1 e pro-agri.2 mega projets ont seulement permis d’augmenter le nombre de fonctionnaires au niveau central, d’équiper le ministère (avant qu’il ne brûle) et les directions des provinces, de dépenser des fortunes en séminaires, voyages et aide de séjour pour les cadres seniors.

En conclusion :

Le gouvernement gagne du temps, la situation empire dans les villes, principalement Maputo. Les prix continuent d’augmenter.

La réorganisation des services des impôts, l’introduction de la TVA il y a 7 ans et des numéros fiscaux individuels, des feuilles de déclaration annuelles de revenu et l’essor de certaines industrie et services très bénéficiaires, fait que l’état n’est plus débile comme para le passé. Il dispose de réserves financières et d’entrés constante et exponentielles. Ces deux dernières années il y a eut des collectifs budgétaires car les rentrés fiscales étaient très supérieures aux prévisions de dépenses !

Cependant, le gouvernement ne veut toujours pas subventionner le riz de base, la farine et l’huile. A-t-il raison ? je ne pense pas que cela perturberai la production interne car ces 3 produits ne sont pratiquement pas produits internement mais tous importés.

Au Mozambique, le salaire minimum est réévalué chaque année en Avril, les discutions syndicats, patronat et gouvernement durent. La publication du nouveau salaire de base risque de provoquer de nouvelles émeutes plus gaves. La répression risque d’être terrible.

Sans cette conjoncture mondiale de hausse des prix des combustibles et des denrées alimentaires, le Mozambique pourrait continuer sa croissance 2 chiffres. Profitant exagérément aux nouveaux riches sans que les pauvres se révoltent, les prix mondiaux de l’énergie et des denrées alimentaires risquent de changer cette donne.

Réponses de la société Civile aux hausses de prix.

Au niveau de Kulima et du collectif des ONG’s de la province de Inhambane nous n’avons que peut de poids, la problématique se joue a Maputo.

Kulima Maputo est membre actif de toutes les dynamiques de pression, cependant il n’y a que peu d’actions concrètes.

L’action des ONG’s pour l’instant est plus de lobbies auprès des politiques, échangent les informations, les rapport, les statistiques, les publications, etc.

Mais ceci ne remplit pas les ventre des gens qui ont faim a très cour terme !

Voir la présentation de l’association Kulima

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