Les paysans du Fouta Djalon vers l’autosuffisance alimentaire
Porté par le CCFD-Terre Solidaire, financé par la Communauté européenne et mis en œuvre par la Fédération des paysans du Fouta Djalon, le programme Resa Nord vise à améliorer la sécurité alimentaire des populations locales.
À la sortie du village d’Akadasso, trois tracteurs vont et viennent obstinément, retournant le sol desséché sous l’œil approbateur de quelques paysans. « Les premières pluies arrivent en mai et avec elles, l’époque des semailles. À ce moment-là, explique Mamadou Diallo, conseiller technique de la Fédération des paysans du Fouta Djalon (FPFD), nous devrons être fin prêts pour que cette seconde campagne agricole menée dans le cadre du programme Resa Nord soit aussi réussie que la précédente ».
Conçu au lendemain de la crise alimentaire de 2008 et des émeutes de la faim en Guinée Conakry, le programme de Renforcement de la sécurité alimentaire dans les zones élevées du nord de la Guinée (Resa Nord) concerne les préfectures de Koundara, Gaoual et Mali, dans la région du Fouta Djalon, parmi les plus pauvres du pays. « L’idée initiale, explique Thierno Balla Diallo, coordinateur technique de la FPFD, est d’aider les petits agriculteurs à accroître leur production vivrière pour leur permettre de se nourrir eux et leur famille, mais aussi de commercialiser les excédents sur les marchés locaux et contribuer ainsi à contenir la flambée des prix ».
Ciblé sur trois denrées de base – le riz, le maïs et la pomme de terre – le programme combine différents axes allant de la mise en culture de nouvelles terres, au soutien à la commercialisation, en passant par l’approvisionnement des producteurs en intrants de qualité, la formation des paysans, la construction d’infrastructures de stockage et la mise en place de périmètres irrigués pour le développement des cultures en saison sèche.
Situé à quelques kilomètres de Koundara, le village d’Akadasso compte quatre « groupements » rassemblant chacun une quarantaine de paysans affiliés à la FPFD. Depuis janvier 2010, date de démarrage du programme Resa Nord, quelque cent trente hectares de terres supplémentaires y ont été mis en culture – riz et maïs principalement. « Les terres disponibles ne manquaient pas et les propriétaires fonciers étaient prêts à les mettre gratuitement à la disposition de la communauté, explique Mamadou Diallo, conseiller technique de la FPFD. Le plus difficile, continue-t-il, a été de les convaincre de signer des conventions de prêts en bonne et due forme car, habitués à se référer au droit coutumier, ils rechignaient à signer des documents officiels ». Des tracteurs mis à la disposition des communautés selon un agenda coordonné ont ensuite permis de labourer ces surfaces supplémentaires dans les délais impartis par l’alternance des saisons.
Quant aux semences, engrais et autres produits phytosanitaires, ils ont été fournis aux paysans dans le cadre d’un « crédit de campagne » remboursable à l’issue de la saison agricole. « Il s’agit de semences locales pour le riz, mais importées pour la pomme de terre car, explique Mamadou Diallo, jusqu’à présent, nos tentatives pour en produire localement se sont avérées décevantes… Mais c’est une option sur laquelle nous continuons de plancher ».
Comme les deux autres conseillers techniques de la FPFD basés à Koundara, Mamadou Diallo effectue des visites régulières dans les communautés. « Nous incitons notamment les paysans à avoir recours à la fumure organique et aux vertus phytosanitaires des plantes locales pour réduire au minimum l’usage des intrants chimiques. Et lors de nos visites, poursuit-il, nous abordons aussi bien des questions de gestion et de conservation des ressources disponibles que de techniques agricoles ». Le dispositif « éducatif » mis en place par la fédération est complété par des cours d’alphabétisation et la formation de « paysans relais », lors de séminaires tenus à la base de Koundara.
Nous produisons presque tout ce que nous consommons
Sarabaoui Kanté est « paysan relais » pour le village d’Akadasso. Une palissade, trois cases rondes, murs de banco et toit de chaume, abritent sa famille. Il reçoit ses visiteurs à l’ombre d’un manguier : « La flambée des prix des aliments ? À vrai dire, nous n’en ressentons guère les effets, déclare-t-il, car cette année nous avons produit nous-même presque tout ce que nous consommons : riz, maïs, fonio, pommes de terre, tomates, salades, oignons, arachides… » À deux pas de là, le « magasin » flambant neuf où sont stockées les semences du village destinées à la prochaine campagne : « Nos réserves de semences de riz ont quasiment doublé par rapport à l’année précédente, s’enorgueillit Saraboui Kanté, et ici, elles sont bien mieux conservées que chez nous où elles risquent à tout moment d’être mangées par les animaux ».
Dernier volet du programme : le soutien à la commercialisation des surplus de production. « La Fédération a une longue expérience en la matière, explique Thierno Balla Diallo, elle joue un rôle d’intermédiaire entre les groupements paysans et les différents acteurs du marché – commerçants locaux, transporteurs… –, notamment pour éviter de laisser les producteurs à la merci de leurs interlocuteurs. » L’autosuffisance alimentaire des paysans et de leurs familles demeure cependant un préalable et, en 2010, dans les provinces concernées par le programme Resa Nord, la production a été consommée sur place, à environ 70 % sur place et 30 %, commercialisée
Faisant le bilan de la première année du programme Resa Nord, Thierno Balla Diallo souligne qu’il a « bénéficié directement ou indirectement à plus de cent mille personnes »… mais pointe aussi des questions en suspens : « Conséquence du succès de l’opération, nous avons reçu des milliers de demandes d’adhésion à la Fédération et nous ne savons pas encore très bien comment nous allons gérer cet afflux. » Certes, de nouvelles terres seront mises en valeur au cours de la prochaine saison agricole, mais au-delà ? Resa Nord est un programme d’urgence dont le financement par la Communauté européenne n’est assuré que jusqu’en octobre 2011*. « Il faudra bien pourtant que nous arrivions à assurer la continuité de cette dynamique sans toujours dépendre de financements extérieurs », conclut-il.
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