Luisa Hoffmann, Mozambique

Publié le 18.03.2005| Mis à jour le 08.12.2021

Faute de politique agricole, les Mozanbicains sont pris dans la spirale de la pauvreté. D’autant que l’accès à l’école est difficile pour les enfants de familles modestes.

La terre ne suffit pas

Paris, le 4 mars 2005.

Du temps de la colonisation portugaise, les terres appartenaient aux grands propriétaires qui se les partageaient. En 1975, le Mozambique est devenu indépendant et, en 1976, il y a eu la nationalisation des terres. Mais en 1979, une guerre civile qui a duré seize ans a éclaté et la loi a été oubliée. Les accords de paix signés en 1994 ont ressorti ces lois sur la terre et depuis 1997, ce droit est enfin reconnu. À partir du moment où une famille prouve qu’elle vit sur une terre depuis des années, elle a des droits sur cette terre et bénéficie de protections juridiques, c’est écrit dans la Constitution. La terre n’est donc pas le problème fondamental.

On estime d’ailleurs qu’au Mozambique 38 % du territoire national est constitué de terres fertiles or, jusqu’à présent, les paysans n’occupent que 18 % de ces terres.
Le problème est que, alors que l’agriculture constitue la première ressource du pays, même si nous avons aussi la pêche, l’exploitation forestière et quelques ressources minérales, sur les 80 % de la population qui vit dans les campagne, les deux tiers d’entre eux vivent dans une extrême pauvreté. Ils n’ont pas de véritable toit, habitent des maisons « sans porte » et leurs enfants ne vont pas à l’école faute de moyens et, de toutes façons, ils doivent aider leurs parents dans les champs. Nous avons bien la terre, mais pour quoi faire ?

Un manque de politique agricole
La véritable question est : comment développer l’agriculture et améliorer les techniques agricoles pour augmenter la quantité et la qualité des productions ? Car il n’est tout de même pas normal qu’une famille qui travaille durement tout le temps n’arrive même pas à produire de quoi survivre toute l’année.
Il y a bien un programme d’état appelé le Parpa, le Programme d’action de réduction de la pauvreté absolue, qui est basé sur l’agriculture et montre que la volonté politique existe, mais il n’y pas de ressources pour investir. Le Mozambique est trop pauvre. Il faudrait des ressources externes or il n’y a pas de financement international concernant l’agriculture au Mozambique. Quant aux banques, elles considèrent le secteur comme « très risqué » et préfèrent se tenir à l’écart ou alors proposent des taux d’intérêts qui sont de 44 % ! Aucune agriculture ne peut vivre avec des taux pareils. Ce manque de politique agricole ne concerne d’ailleurs pas que les petits agriculteurs, puisque les grands producteurs sont logés à la même enseigne et doivent se débrouiller par eux-mêmes pour financer le développement de leurs exploitations. Une des premières conséquences de ce manque de politique de développement agricole : l’exode rural. Aujourd’hui, 20 % de la population vit désormais dans des villes et, surtout, les bidonvilles qui s’agrandissent de plus en plus autour de ces villes.

L’école, un filtre social
Autre conséquence, l’accès à la scolarité. Car, disposant de peu de ressources, les parents doivent faire des choix et, en général, ils donnent la priorité aux garçons. Les filles doivent rester à la maison pour aider aux tâches ménagères et à la gestion de la famille.
D’autre part, si les cinq premières années sont gratuites, il faut payer à partir de la sixième. Cela exclut beaucoup d’enfants de l’école. Après le baccalauréat, le nombre de places dans les universités publiques étant très limité et leur accès soumis à un examen d’entrée qui est un véritable filtre social, ils doivent souvent payer pour aller dans les universités privées pour poursuivre leur formation. Ce qui est impensable dans leurs conditions. L’accès à l’université est donc quasi impossible pour les plus pauvres.

Cette exclusion sociale de jeunes qui arrivent jusqu’au bac en pousse un grand nombre dans la marginalité, les filles versent dans la prostitution et les garçons dans la violence et la délinquance, le trafic de drogue, car il n’y a pas de travail pour eux et ils n’ont plus envie de travailler la terre. Et la pauvreté continue.

Propos recueillis par Patrick Chesnet

Fille de paysans, Luisa entreprend des études de droit tout en aidant sa famille dans les champs. Elle travaille pour le Forum Terra, une Ong ayant pour objectif de sensibiliser les paysans mozambicains et les politiques locaux aux questions liées au développement agricole.

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