Migrations : Le rôle des villes et des villages pour réinventer l’accueil

Publié le 18.12.2019| Mis à jour le 08.12.2021

Rencontre avec Cristina Del Biaggio, géographe, enseignante chercheuse à l’université Grenoble Alpes et Karine Gatelier, anthropologue à l’université Grenoble Alpes, impliquée dans un collectif solidaire d’accueil de demandeurs d’asile.

Faim et Développement ~ Quelle analyse faites-vous du rôle des collectifs villageois, très actifs dans l’accueil des personnes migrantes ?

Karine Gatelier : Étant à la fois observatrice et actrice de ces collectifs depuis 2015, je constate une forte prise de conscience et une politisation des citoyens. Il y a eu un réel désir d’action face à une inaction institutionnelle. Cette rencontre de citoyens avec des personnes venues chercher un refuge en Europe a fait tomber beaucoup de préjugés ; ils vivent à leurs côtés l’attente, l’incertitude, la surveillance avec l’assignation à résidence et l’obligation de pointer deux fois par semaine au commissariat, le risque d’arrestation. Ils découvrent la violence et les injustices dans les démarches administratives auxquelles les demandeurs d’asile sont soumis. Ces collectifs réinventent réellement les modes d’accueil et témoignent de leur rejet des politiques gouvernementales en matière de migration.

Cristinia Del Biaggio : Ils tentent de pallier les manques de l’État. Avec le temps, leurs actions se structurent, se modifient, s’adaptent aux besoins des exilés. Ici à Grenoble, mais aussi dans d’autres villes comme Genève, la solidarité et le soutien dans les luttes politiques ont suivi la charité et l’aide matérielle. Cependant, pris dans l’urgence pour accompagner les exilés en difficulté, les collectifs n’ont pas l’énergie et le temps pour partager leurs préoccupations avec d’autres collectifs en France, en Europe et dans le monde. Je suis à la fois optimiste en observant que des collectifs naissent partout pour accompagner l’accueil dans la dignité de personnes exilées, mais je suis aussi pessimiste face à l’évolution des politiques migratoires inhospitalières qui se mettent en place.

Migrations : à Grenoble, l’élan d’accueil citoyen

Quel est le rôle des villes pour penser « l’hospitalité » des migrants ?

CDB : Les maires et les collectivités ont pour moi un rôle très important à jouer. Ils doivent se poser la question de savoir comment accueillir, car, de manière très pragmatique, c’est sur leur territoire que les exilés vivent ou survivent. Ils doivent jouer la carte des réseaux. Le premier pas est franchi avec le réseau Anvita. Mais il faut faire un pas de plus vers une véritable politique d’hospitalité locale avec des actes concrets. La création d’un réseau de villes accueillantes européennes pourrait être une première réponse à la question que posent les villes portuaires en Italie : « Le sauvetage en Méditerranée et le débarquement, et après ? »

KG : Je préfère le mot accueil à hospitalité. Hospitalité me pose le problème d’établir une relation asymétrique avec les personnes accueillies : elles sont chez quelqu’un d’autre. Mais jusqu’à quand sont-elles des hôtes ? Quels droits ont les hôtes ? Le projet migratoire est un projet de vie, construit et mené par des personnes autonomes. Or, c’est la privation de cette autonomie que les politiques actuelles organisent. Dans une approche anthropologique, je me questionne sur la notion de citoyenneté. Les personnes venues chercher refuge sont privées de plusieurs droits dans la demande d’asile, dont celui de travailler. Mais certains de ces migrants s’engagent souvent en tant que bénévoles ou dans des luttes pour dénoncer les dénis de droits. C’est une citoyenneté en actes qui devrait être reconnue.

Propos recueillis par Clémentine Méténier

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