Rwanda : les paysans écartelés entre agriculture familiale et “Révolution verte”

Publié le 21.11.2013| Mis à jour le 02.01.2022

L’antenne rwandaise de l’Agence de coopération et de recherche pour le développement (Acord), partenaire du CCFD-Terre Solidaire, travaille depuis 1979 à la sécurité alimentaire et des revenus en zone rurale. Elle préconise le débat, face aux réformes lancées depuis 2007 dans le cadre de la Green Revolution.


La “Révolution verte”, née en 1943 au Mexique, suivie en Inde dans les années 1960, passe par des productions de céréales à haut rendement pour assurer la sécurité alimentaire.

Souhaitée pour l’Afrique dans un vibrant appel lancé en 2004 par Kofi Annan, alors secrétaire général des Nations unies, elle a été entérinée par le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad).

Depuis 2007, elle est en marche au Rwanda, où elle se traduit par la digitalisation du cadastre, l’enregistrement des terres, la participation à des coopératives, la modernisation des systèmes d’irrigation, l’achat de semences subventionnées et la vente des cultures à des prix fixés par l’Etat. Et surtout, par la régionalisation des cultures.


Banane à l’est, manioc à l’ouest

L’ambition des autorités : développer une agriculture commerciale et non plus vivrière, avec des monocultures extensives. L’agriculture, 35% du PIB et 90% des actifs, représente le socle de l’économie nationale. Sa part dans l’emploi devrait passer à 50% des actifs d’ici 2020, selon les projections du gouvernement, en raison de l’essor des services.

Une nouvelle loi foncière a été adoptée en 2005 et actualisée en juin 2013. “Les petits exploitants, majoritaires, doivent faire enregistrer leurs terres, explique François Munyentwari, directeur d’Acord Rwanda. Quand ils le font, l’administration leur demande de cultiver telle ou telle variété de plante.”

L’Etat veut voir la pomme de terre cultivée à grande échelle dans le nord, la banane à l’est, le manioc à l’ouest et l’ananas au sud. Les marais, eux, sont confiés à des coopératives pour être transformés en rizières.

Une révolution des mentalités et des habitudes alimentaires

Seul problème : les ménages ruraux ont l’habitude de manger ce qu’ils produisent, sur des lopins de terre dont la moyenne ne dépasse pas le demi-hectare.

La Révolution verte suppose donc un bouleversement des habitudes et des mentalités. Difficile, pour les fermiers, de passer à une culture de rente, d’en attendre les retombées financières pour ensuite aller chercher au marché haricots, carottes ou autres légumes. D’autant plus que leurs prix ont augmenté.

“Quand les autorités demandent du maïs, il s’agit de maïs sec pour faire de la farine, qui sera ensuite préparée sous forme de pâte de maïs, explique François Munyentwari. C’est un aliment de base en Ouganda. Au Rwanda, on mange plutôt des haricots.”

Plaidoyer pour le dialogue

Autre point d’achoppement : la formule des coopératives. “La stratégie n’est pas mauvaise en soi, explique François Munyentwari, mais ce qui cloche, c’est le parachutage de gens sans compétences, pour généraliser des pesticides par exemple”.

Acord Rwanda, 12 permanents et 34 ans d’expérience sur le terrain, préconise un dialogue avec la société civile. Un processus de consultation, pour que les politiques décidées au sommet remportent l’adhésion de la base.

“On essaie d’engager ce débat, précise François Munyentwari. Ce n’est pas evident, mais les choses évoluent. Dans certaines régions, les fermiers ont repris le droit d’associer les cultures. ” L’ONG fait un suivi de la politique agricole et foncière, pour mieux en évaluer les conséquences. Et faire en sorte que la sécurité alimentaire des ménages soit prise en compte, in fine.

Des poches de faim au Rwanda

En attendant les résultats à long terme de la Révolution verte, le problème de la faim continue de se poser pour certains.

“Nous voyons des enfants qui consomment à l’école des vivres distribuées par le Programme alimentaire mondial (PAM), note le président d’Acord Rwanda. Les orphelins chefs de ménage ne mangent qu’à l’école le midi – et le week-end, rien”.
L’ONG s’occupe de 3 000 ménages dirigés par des mineurs dans quatre districts. Son assistance commence par le logement. L’enjeu consiste à retrouver les biens éventuels des parents, et à fournir une assistance légale aux enfants, pour que leurs dossiers soient présentés devant des tribunaux.

Des programmes d’accès à la santé, à l’éducation et d’aide à la génération de revenus sont également suivis. Machines à coudre, bicyclettes, matériel pour puiser l’eau… Autant de moyens de s’en sortir, pour des jeunes qui doivent veiller à l’éducation de leurs cadets.

Sabine Cessou

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