Terre et paix, l’épopée d’Ayineth en Colombie
Ayineth Perez est l’une de ces centaines de milliers de Colombiennes qui n’ont pas pu récupérer leurs propriétés suite à la guerre qui a fait fuir les civils. A la tête de l’Ong colombienne Tierra y Paz, elle fédère les femmes et les paysans pour les aider à récupérer leurs terres. Et accéder enfin à la paix.
Ayineth Perez a été élue il y a deux ans présidente de l’association Tierra y Paz (terre et paix) en Colombie. Cette organisation, que nous soutenons, s’emploie à défendre les droits des déplacés du conflit colombien dans le département d’Antioquia et dans une partie de celui du Chocó, au nord du pays.
« Nous voulons simplement semer et être en paix » résume Ayineth Perez. Pour cela son association appelle ses 850 membres à « se bouger pour faire valoir ses droits ».
Ayineth a fui sa ferme devant la pression des paramilitaires
Il y a 25 ans, Ayineth et sa famille ont été obligés de bouger pour échapper au conflit qui faisait rage dans le département d’Antioquia. Ayineth avait alors une vingtaine d’années. Elle avait dû fuir sa terre devant la pression des paramilitaires, ces milices privées des grands propriétaires terriens, armées pour combattre la rébellion.
« Nous avions 33 beaux hectares de pâturage, de riz et de maïs « explique-t-elle. Devant les menaces et l’occupation de sa terre, Ayineth a pris son père avec elle et l’a mis en sécurité à Carthagène, une ville de la côte des Caraïbes. « Il est mort avant d’avoir pu voir la restitution de nos terres « déplore-t-elle.
Ayineth ne s’estimera en paix que lorsqu’on lui aura redonné son bien, celui qui peut la faire vivre, elle et sa famille. Pour l’instant, ils habitent tous à Apartado, une ville proche de la frontière avec le Panama, toujours dans l’Antioquia.
« Mon mari est employé agricole dans une grande exploitation. C’est notre seule source de revenus et cela ne va pas très loin. Nous avons quatre enfants. Ma satisfaction est qu’ils connaissent notre ferme. J’ai pu les y emmener trois fois. Malgré les risque » explique-t-elle.
« Il n’y a pas de volonté politique réelle pour faire avancer nos plaintes »
Ayineth connaîtra la paix quand la justice lui aura permis de réintégrer sa terre. C’est le sens de son engagement à Tierra y Paz. Elle a été durant dix ans la secrétaire de l’association avant d’en être élu présidente.
Mais, les groupes paramilitaires occupent toujours sa propriété. C’est le cas de la plupart des membres de son association. Elle a fait une réclamation aux institutions chargés des déplacés, il y a maintenant 15 ans. Ayineth est alors entrée dans le processus de restitution des terres, défini par la loi colombienne. Depuis, pas grand-chose ne s’est passé.
« Il n’y a pas de volonté politique réelle pour faire avancer nos plaintes. De toute façon, il n’y a pas assez de juges pour traiter tous les dossiers « explique-t-elle.
Ayineth ne lâchera pas l’affaire. C’est certain. Les membres de son association sont aidés dans leurs démarches par des ONG colombiennes, comme Cinep, l’un des partenaires colombiens du CCFD-Terre Solidaire, et par des ONG belges.
La JEP fourni un cadre légal pour ces restitutions
A force de procédures, 63 des 850 membres de l’association ont pu récupérer leurs terres. Ils l’ont fait dans le cadre de la JEP ( jurisdiccion Especial para la Paz), l’un des mécanismes crée par les accords de paix entre le gouvernement colombien et la rébellion.
« En tout, une centaine d’entre nous ont été reconnues comme victimes. Il s’agit d’une réparation collective. Nous nous sommes assis face à nos agresseurs et ils nous ont demandé pardon. Les grands propriétaires ont reconnu qu’ils nous avaient fait du mal. C’est un pas, mais pas le seul à faire. Maintenant, nous avons besoin de notre terre » estime Ayineth. La présidente de Tierra y Paz voudrait passer à la discussion des indemnisations financières.
En attendant, au sein de Tierra y Paz, elle a créé un groupe d’agricultrices qui ont été spoliées.
« C’est une manière de s’entraider. Cinep nous appuie en nous proposant une formation pour apprendre à nous protéger sur nos territoires des possibles agresseurs payés par les grands propriétaires ».
Pierre Cochez
Pour aller plus loin :
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En Colombie, une commission pour faire la vérité sur le conflit- Francisco De Roux
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