La région amazonienne est toujours menacée par la construction d’infrastructures

Publié le 09.11.2011| Mis à jour le 02.01.2022

Malgré l’annulation du projet de complexe hydroélectrique d’Inambari, au Pérou, en juin dernier, la région amazonienne est toujours menacée par la construction d’infrastructures de transports, de production d’énergie et d’extraction de ressources naturelles. D’où la nécessité pour le CCFD-Terre Solidaire de continuer à promouvoir l’articulation de réseaux entre ses différents partenaires de la région.


Brésil, le 6 décembre 2011

5 juin 2009. Plus de 2500 indiens bloquent un axe routier près de Bagua, au nord-est de l’Amazonie péruvienne. Motif ? S’opposer à un projet d’extraction pétrolière au cœur de la forêt. Un projet de plus devrait-on dire, car le Pérou mise sur ses ressources naturelles pour assurer son développement économique. Quitte à brader son territoire.

Pétrole, ressources minières et forestières… Afin de mettre en œuvre le Traité de Libre Commerce (TLC) avec les Etats-Unis, le gouvernement d’Alan Gracia, alors président, a signé, entre 2007 et 2008, pas moins de onze décrets permettant l’exploitation de plus de 70% de la forêt amazonienne. Sans compter la production d’énergie électrique, incarné par le projet de barrage sur le fleuve Inambari.

Face aux enjeux économiques colossaux, Alan Garcia décide donc de répondre par la force aux revendications des populations locales. Comme à Bagua, où des policiers sont héliportés pour affronter les indigènes armés d’arcs et de lances.

Bilan : 34 morts, 161 disparus et 189 blessés. Un massacre.

14 juin 2011. Ollanta Humala vient de succéder à Alan Garcia à la tête du Pérou. L’une de ses premières décisions consiste à annuler le projet de construction du barrage d’Inambari. Un soulagement pour les 15 000 indigènes dont l’existence était menacée. Mais aussi pour la société civile péruvienne qui y voit un signe.

« Cette annulation démontre que le combat que nous menons contre les grands projets qui menacent la région amazonienne est crucial. Mais surtout que ce modèle de développement n’est pas une fatalité, explique Antonio Zambrano, spécialiste du dossier au sein de Forum Solidaridad Péru (FSP), une organisation partenaire du CCFD-Terre Solidaire. C’est aussi un symbole pour toutes les organisations, notamment au Brésil et en Bolivie, qui sont confrontées aux mêmes défis. » 

Des défis symbolisés par cinq lettres : «IIRSA », l’Initiative pour l’Intégration d’Infrastructure en Amérique du Sud, un vaste programme comprenant notamment la construction d’infrastructures de transports, de production d’énergie et d’extraction de ressources naturelles.

« Inambari est une victoire pour les organisations de toute la région amazonienne, confirme José Guilherme Carvalho da Silva, coordinateur du programme régional Amazonie, au sein de la FASE, partenaire brésilien du CCFD-Terre Solidaire. Car Au Brésil, nous sommes confrontés aux mêmes problématiques avec le Plan d’Accélération de la Croissance (PAC), qui s’intègre dans l’IIRSA et génère les mêmes impacts négatifs sur l’environnement et les populations»

Exemple ? Le projet de barrage du Belo Monte sur le fleuve Xingu, dans l’Etat du Para, menaçant la vie d’au moins 40 000 indigènes et ribeirinhos (habitants du fleuve). « Il y a dans ce dossier, comme dans beaucoup d’autres, des acteurs identiques à ceux qui étaient impliqués dans le dossier de l’Inambari, au Pérou, poursuit José Guillerme. C’est le cas par exemple de la BNDES, la banque Nationale (brésilienne) de développement Economique et Social et Odebrecht, une grande entreprise de travaux publics (elle aussi brésilienne). » « Ces montages économiques et financiers se jouent des frontières» , martèle Antonio Zambrano. 

« Il est donc indispensable d’articuler nos actions et de renforcer nos réseaux au-delà des frontières nationales. »

« Analyser la situation », « articuler le travail des acteurs locaux », « faciliter la création de réseaux au-delà des frontières »… C’était justement l’objectif que s’était fixé le CCFD en réunissant en novembre 2010, à Santarem, au cœur de l’Amazonie brésilienne, une quinzaine de partenaires, à l’occasion du V Forum Panamazonien.

« Cette réunion a permis de tisser des liens importants et durables», assure Darlène Braga, responsable de la Commission Pastorale de la Terre (CPT) de l’Acre. « Depuis le Forum, nous avons travaillé sur différentes thématiques comme le Genre avec le Centre de Défense des Droits Humains et de l’Education Populaire de l’état de l’Acre au Brésil », indique pour sa part Giselle Salazar Blanco, de Cooperaccion, une organisation partenaire du CCFD-Terre Solidaire chargée notamment de promouvoir le développement au sein des zones d’exploitations minières et énergétiques au Pérou.

Des liens qui se sont également renforcés dans le cadre de différents forums ou regroupements d’organisations de mouvements sociaux, comme par exemple la « plateforme BNDES », destinée à pousser cet organisme financier à plus de transparence.

C’est dans cet esprit également qu’à la fin du mois d’octobre, le Service d’Action, de réflexion et d’Action Sociale (SARES) a lancé l’Observatoire panamazonien des mega-projets.

« L’objectif est de travailler en commun et de manière coordonnée sur les projets qui menacent la région amazonienne, notamment les projets frontaliers, précise José Guilherme, de la FASE. Cette initiative doit nous permettre de renforcer la communication entre les acteurs de la région. »

Un défi « majeur » pour l’ensemble des partenaires amazoniens du CCFD-Terre solidaire. « Une meilleure communication est indispensable, insiste Raimunda Bezerra da Silva, responsable du CDDHEP. Car notre mission est rendue difficile par les distances et les difficultés de transports. »

En attendant, comme le souhaitent unanimement les partenaires du CCFD-Terre Solidaire, que l’expérience de travail en commun initiée l’an dernier lors du V Forum Panamonien à Santarem, soit reconduite en 2012 à Cobija, en Bolivie. Histoire de rappeler aussi que la lutte pour un autre modèle de développement n’a pas de frontière. Surtout en Amazonie.

Jean-Claude Gerez

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