Le prix Nobel de la paix, une reconnaissance pour la société civile tunisienne
Abderrahmane Hedhili, président du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), partenaire du CCFD-Terre solidaire, est aussi le Secrétaire général de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, l’une des quatre organisations distinguées par le prix Nobel pour avoir conduit le dialogue national en Tunisie. Avec Alaa Talbi, directeur exécutif du FTDES, ils reviennent sur l’encouragement que représente ce prix Nobel pour la société civile, tout en soulignant le chemin qu’il reste à parcourir.
En tant que membre de la Ligue des droits de l’homme tunisienne et proche de l’UGTT, autre organisation distinguée par le prix Nobel, Abderrahmane a suivi tout le processus et le rôle joué par la société civile pour sortir de la période tendue qui a suivi la chute de Ben Ali. « Le dialogue national était la seule solution pour que le pays ne tende pas vers le chaos, après les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, deux grandes figures de la gauche tunisienne, rappelle-t-il. Le dialogue national a rétabli la Tunisie et l’a menée vers les élections. »
Le « dialogue national » s’est en effet formé à l’été 2013 pour répondre à la grave crise traversée par la Tunisie suite à ces deux assassinats politiques, et au moment où les islamistes étaient au pouvoir.
Composé de quatre organisations de la société civile (le syndicat UGTT (Union générale tunisienne du travail), la fédération patronale Utica (Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat), la Ligue tunisienne des droits de l’homme et l’Ordre national des avocats), ce « Quartet » a accompagné le processus politique tunisien vers l’adoption de la Constitution et les élections législatives, en favorisant la négociation entre l’opposition et les islamistes.
« Alors que certains pays de la région comme la Libye ou le Yémen sont tombés dans la violence, la Tunisie a su utiliser la négociation et résoudre les tensions grâce au dialogue national favorisé par la société civile et non pas par les partis politiques. » souligne Alaa Talbi.
« Cela s’inscrivait dans la continuité du travail que la société civile menait depuis des années, y compris avant la révolution. Dès 2012, la société civile s’était mobilisée pour dire non à l’inscription de la Sharia dans la Constitution et pour garantir l’égalité des femmes et des hommes. » tient-il à rappeler.
« Le prix Nobel constitue un encouragement et souligne les responsabilités actuelles de la société civile tunisienne. » se réjouit Abderrahmane. « Ce prix Nobel peut permettre de redonner du souffle à la société civile tunisienne. considère aussi Alaa Talbi, pour qui « le prix Nobel ne doit donc pas masquer les autres batailles qui ont eu lieu avant et après ce moment de dialogue national. »
De fait, la société civile a besoin d’encouragement car le pays est fragile : « La Tunisie est toujours dans une phase transitionnelle et il y a beaucoup de défis à relever » explique Abderrhamane. « Il faut rester vigilant car la Tunisie doit maintenant poursuivre les processus économique, social institutionnel afin de réussir la révolution. Le rôle de la société civile ne se limite pas au processus politique et il reste un gros travail à faire à l’échelle nationale et régionale car des problématiques économiques, sociales et environnementales demeurent. » s’inquiète Alaa Talbi.
Une situation qui implique que la société civile continue sa mobilisation comme l’explique Abderrahmane : « La société civile tunisienne a une responsabilité, elle est un contre-pouvoir qui doit jouer son rôle. » Une mobilisation d’autant plus importante dans le contexte actuel car il ne faudrait pas que les lois anti-terroristes donnent le prétexte à une nouvelle répression de la société civile.
« Ce prix Nobel doit permettre de continuer le combat, de donner de la force à la société civile pour maintenir les acquis essentiels que sont par exemple la liberté d’expression et le droit de manifester » conclut Alaa Talbi.
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