Bernard Pinaud, délégué général du CCFD-Terre Solidaire

Publié le 23.09.2010| Mis à jour le 08.12.2021

 » Le CCFD-Terre Solidaire a toujours affirmé qu’il n’était pas concevable d’être engagé auprès des populations du Sud, sans l’être en même temps aux côtés des étrangers vivants en France. » Bernard Pinaud, Délégué général du CCFD-Terre Solidaire


Lors d’un voyage d’étude en Asie avec mon épouse, Laure et quelques amis de l’organisation catholique Fondacio, je découvre pour la première fois l’extrême pauvreté dans un bidonville de Manille. Ce qui me frappe c’est la misère totale mais aussi la grande dignité des personnes rencontrées. Cette expérience a été fondatrice de mon engagement. Je deviendrai plus tard directeur international de Fondacio et responsable de son implantation dans différents pays du Sud.

Père de 3 enfants dont une chilienne adoptée en 1992, je rejoins la même année le CCFD-Terre Solidaire, comme responsable du service Amérique Latine. Je serai l’un des premiers à me rendre au Chiapas quelques jours après le soulèvement zapatiste et la répression de l’armée. Après avoir passé plusieurs barrages, nous nous rendons, avec un partenaire du CCFD-Terre Solidaire, dans un village indigène. Il nous faut annoncer aux villageois que leurs sœurs et frères disparus ne sont pas en prison, mais qu’ils sont morts. Cris, pleurs, prière… 15 ans après, il n’y a plus de conflit armé au Chiapas mais les violations des droits humains persistent comme en témoigne ici notre partenaire, le Centre Fray Bartolomé de las Casas.

En 1999, j’ai été le premier directeur Etudes et plaidoyer et j’ai coordonné en France la Campagne citoyenne pour l’annulation de la dette des pays pauvres. En tant que délégué général du CRID (2002 à 2007), collectif de 55 associations de solidarité internationale, j’ai aussi eu le privilège d’être l’un des acteurs de l’élaboration du processus du Forum social mondial : incroyable aventure de l’émergence d’une société civile, encore balbutiante, à l’échelle de la planète !

Trois ans après mon retour au CCFD-Terre Solidaire, j’ai répondu avec enthousiasme à l’appel de son président, Guy Aurenche, à occuper le poste de délégué général. Avec passion aussi, car je suis très attaché à l’association : à sa politique de partenariat avec des organisations du Sud et d’Europe de l’Est qui se battent pour le développement de leur communauté, à son action de sensibilisation de l’opinion publique française – car rien ne changera là-bas si nous ne changeons pas ici – , à son action de plaidoyer auprès des décideurs, à sa réalité d’organisme d’Eglise pour dire, à temps et à contre temps, que la solidarité internationale est constitutive de la foi chrétienne.

Le CCFD-Terre Solidaire a toujours affirmé qu’il n’était pas concevable d’être engagé auprès des populations du Sud, sans l’être en même temps aux côtés des étrangers vivants en France. Or nous venons d’assister, cet été, à une véritable chasse aux populations roms. Des bénévoles du CCFD-Terre Solidaire, en lien avec notre partenaire Romeurope, étaient à leurs côtés.
La stigmatisation d’une population particulière, devenue le bouc émissaire de tous nos maux, la violence de leur évacuation nous a valu la réprobation de nombreux pays et institutions, de bon nombre de nos évêques et du Pape lui-même. Ne l’oublions pas ces roms, majoritairement roumains et bulgares sont des ressortissants européens.
Quelle Europe voulons-nous construire ?

Cet été, franchement, je n’étais pas fier d’être Français.

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