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Des bénévoles du CCFD-Terre Solidaire au Bhoutan

Publié le 04.12.2015| Mis à jour le 08.12.2021

Direction le Bhoutan ! Du 1er au 13 novembre 2015 des membres du CCFD-Terre Solidaire Rhône-Alpes représentaient la délégation française à la conférence internationale sur le Bonheur national brut (BNB) qui se tenait au Bhoutan. Un voyage d’étude pour déchiffrer les rouages de cet indicateur du bien-être… Et ça fait réfléchir !


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Parmi les 600 invités à la conférence internationale sur le Bonheur National Brut de Paro, vingt Français constituaient la délégation française pilotée par le CCFD-Terre Solidaire Rhône-Alpes.
Ce petit pays d’à peine 700 000 habitants, au cœur de l’Himalaya est observé par le monde entier pour avoir imaginé un indicateur alternatif au Produit Intérieur Brut (PIB), le « Bonheur National Brut » (BNB).
48 délégations étaient présentes pour échanger sur leurs pratiques et se concerter sur d’autres modèles de développement. La délégation conduite par le CCFD-Terre Solidaire se singularisait par son éclectisme puisqu’elle était composée de bénévoles, mais d’experts, d’élus, d’acteurs de la société civile et… d’un dessinateur.

A lire aussi, la synthèse des réflexions qui ont traversé ce voyage d’étude, et rédigée par la délégation à son retour


Expérimenter le regard croisé avec les partenaires

« L’éclectisme de notre délégation était l’objectif recherché pour créer, sur place, un véritable regard croisé avec nos partenaires d’Amérique Latine et d’Asie » explique Céline Bernigaud, chargée de développement associatif au CCFD Terre-Solidaire Rhône-Alpes : « Ce voyage d’étude vient marquer une étape de plus dans la réflexion menée sur les nouveaux indicateurs de richesse. L’objectif est de réinterroger notre modèle de développement occidental ; se retrouver au Bhoutan pour en parler est très symbolique! »
Tout débute en 2010 avec la proposition du partenaire thaïlandais du CCFD-Terre Solidaire, la School for Well Being, de plancher sur la question des indicateurs de richesse pour repenser le modèle de développement.
Cette organisation travaille sur la question concrète de l’agriculture pour replacer le bien-être au cœur du modèle de développement. Des bénévoles de Rhône-Alpes constituent alors un réseau avec des alliés pour prolonger les réflexions (ATD Quart Monde, l’Ecole de la Paix, l’université de Grenoble, la Métro, la Ville de Grenoble…) : c’est la naissance du « réseau Richesses », faisant du CCFD-Terre Solidaire Rhône Alpes le pilote des réflexions autour des indicateurs de richesse alternatifs au PIB.
Des échanges ont alors lieu avec différents partenaires du CCFD-Terre Solidaire comme avec Latindadd, un réseau regroupant des ONG locales dans onze pays d’Amérique Latine.
Le fameux BNB, au Bhoutan, est le plus abouti des indicateurs alternatifs au PIB ; aller au Bhoutan avait du sens pour l’association.  » L’invitation à la conférence internationale sur le BNB au Bhoutan est tombée à pic et nous a décidés à partir. On s’est dit que ce serait l’occasion rêvée pour voir nos partenaires et rencontrer des gens que l’on n’aurait jamais rencontrés autrement » détaille Céline Bernigaud.


Le bien-être ici et là-bas

Quel modèle de développement se cache derrière le BNB ? A-t-on un même modèle, universel, derrière le BNB, le Développement Durable, le Buen Vivir ?
Le BNB et les indicateurs de bien-être peuvent-ils être des outils pour une transition vers un modèle de développement plus soutenable socialement et écologiquement?
Comment passe-t-on de l’indicateur à l’action ?
Ces questions résument le « fil rouge » du voyage, explicité pour ne pas s’égarer dans la complexité du BNB.

C’est en 1979 que le terme est formulé pour la première fois par le 4ème roi du Bhoutan, dont le pays fêtait les 60 ans lors du voyage de la délégation : « Le bien-être des populations est plus important que le développement économique du pays ». Par ses propos, il inventa la philosophie du BNB, pour guider son pays.

L’indicateur, créé deux décennies plus tard, en 2006, repose sur neuf dimensions : le niveau de vie, la santé, l’éducation, l’utilisation du temps, la bonne gouvernance, la résilience écologique, le bien-être psychologique, la vitalité communautaire et la résilience culturelle (le degré de connaissances des Bhoutanais de leurs pratiques culturelles). Une seule est donc assise sur la richesse matérielle.

Après ces trois jours de brainstorming international, « très riche mais un peu long et peu participatif » s’accordent à reconnaître les membres du groupe, celui-ci s’est divisé en trois sous-groupes pour aller prendre le pouls de ce « BNB en action ». Direction différents villages : Lamthey, au sud de Trongsa pour se pencher sur la problématique des barrages, Lobesa pour échanger avec des universitaires et évoquer des questions liées à l’agriculture et à l’éducation, et enfin Gangtey pour aborder les enjeux liés au tourisme.
« On s’est vite rendu compte que poser directement la question aux habitants « pour vous c’est quoi le BNB ? » n’avait pas de sens. Au contraire, on a beaucoup plus appris en les questionnant sur leur quotidien » explique Cécile, une bénévole immergée pendant trois jours dans une famille bhoutanaise, subissant les coupures d’électricité et le froid !

« Un modèle optimiste dont on pourrait s’inspirer »


Salarié a Cap Rural depuis de longues années, Patrick travaille auprès des acteurs du monde rural et planche sur leurs problématiques du mieux vivre et de la vitalité des territoires.
Au retour des quelques jours dans les villages, l’heure est au bilan: « Le Bhoutan a les mêmes enjeux ! C’est encore un pays pauvre mais il souhaite améliorer le confort de vie de ses populations tout en préservant sa culture et ses traditions bouddhistes. Je crois que ce pays a beaucoup à nous apprendre, notamment à travers sa dimension spirituelle, complètement éteinte dans notre société ».
De son côté, Laurence s’est concentrée sur l’éducation des jeunes, une visite du Bhoutan à travers ses écoles : « J’ai été frappée par le caractère novateur des pratiques éducatives en train de se mettre en place au Bhoutan : assemblées d’élèves, séances de méditation, café philo sur des questions d’éthique et de géopolitique, jardinage, nutrition. Je me serais crue dans une école Montessori en France, sauf qu’au Bhoutan, ce sont toutes les écoles publiques qui sont impliquées dans cette démarche ! »

L’expérience bhoutanaise est indéniablement inspirante pour tous les voyageurs, surtout pour Céline qui porte ce projet depuis presque deux ans : « Je venais trouver un indicateur de bien-être, mais j’ai d’abord observé un modèle fort de société qui revendique son enracinement culturel et son aspiration pour un développement qui permette le bien-être de tous de façon holistique. L’indicateur n’est en fait venu qu’après, c’est plus un outil au service de cette vision de société».
Au décollage pour le retour en France, elle à des étoiles dans les yeux. « Je suis épatée ! Je ne parlerais pas d’une vision utopiste au Bhoutan mais optimiste car les Bhoutanais pensent leur développement en tentant d’éviter les écueils auxquels nous faisons face. Même si le chômage des jeunes s’amplifie, ainsi que les problèmes de la drogue et l’alcool, ils n’avancent pas aveuglément. »
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Car l’indicateur mis en avant par le Bhoutan ne doit pas brouiller les réalités d’un pays très pauvre où plus de 85% de ces habitants vivent de la terre dans des conditions climatiques parfois extrêmes.
Si le Bhoutan a pu conserver son indépendance face à ses deux géants voisins que sont la Chine et l’Inde, et représenter une « exception » aux yeux du monde, c’est également au prix d’une démarche de préservation de la culture bhoutanaise et bouddhiste parfois exclusive. L’obligation de parler la langue traditionnelle, le dzongkha ou de porter le costume coutumier ont ainsi pu créer des tensions avec les communautés népalaises.

Prochaine étape pour le CCFD Terre Solidaire Rhône-Alpes : Paris et la COP 21 pour livrer un retour sur le voyage mais également s’interroger sur « l’adaptation du BNB dans chacun de nos pays ». L’une des plus jeunes bénévoles du groupe a travaillé en service civique au sein de l’association dans l’optique de cet autre rendez-vous international : « car il faut agir sur les causes des problèmes et surtout agir ici et là-bas, avec nos différents partenaires… ».

Voir même, aller plus loin : à plusieurs reprises l’intérêt des participants s’est ressenti pour que la France organise une conférence internationale sur le bonheur national brut, pourquoi pas… dans un an ou deux ?

Clémentine Méténier

Voir aussi notre article A lire pendant les vacances, un reportage BD sur le « Bonheur national brut »

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