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Affaire Total Ouganda : la cour d’appel de Versailles renvoie au tribunal de commerce

Publié le 10.12.2020| Mis à jour le 08.12.2021

La cour d’appel de Versailles a rendu aujourd’hui sa décision (1) dans l’affaire opposant le géant pétrolier Total à six associations françaises et ougandaises – les Amis de la Terre France, Survie, AFIEGO, CRED, NAPE/Amis de la Terre Ouganda et NAVODA -, qui constitue la première action en justice sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales (2).


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Les juges ont tranché en faveur de Total, confirmant le jugement de première instance qui considérait que ce litige relevait de la compétence du tribunal de commerce. La société civile estime que cette décision est contraire à l’esprit de cette loi, et dommageable pour son application. La cour d’appel ne s’est pas prononcée sur le fond de l’affaire, c’est-à-dire sur le respect ou non des obligations de vigilance par Total.

Le 30 janvier dernier, en première instance, le tribunal judiciaire de Nanterre s’était déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce (3). Considérant que cette décision reposait sur une interprétation erronée du droit, les Amis de la Terre France, Survie et leurs partenaires ougandais avaient fait appel. Ils étaient soutenus sur ce point par deux interventions volontaires déposées d’une part par ActionAid France, le CCFD-Terre Solidaire et le Collectif Éthique sur l’étiquette, et d’autre part par la CFDT. La cour d’appel de Versailles vient malheureusement de confirmer cette décision, considérant également que cette affaire relève de la compétence du tribunal de commerce.

Selon nos organisations, cette décision est non seulement contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation, mais aussi à l’esprit de la loi sur le devoir de vigilance et à la volonté des législateurs. En effet, cette loi a pour objectif de rendre les entreprises responsables des impacts de leurs activités sur les tiers que sont les salarié-e-s de ses filiales, fournisseurs et sous-traitants, les communautés locales ou encore l’environnement. Il s’agit donc d’enjeux externes, de protection des droits humains et de la planète, qui ne peuvent être réduits à un litige purement commercial, afférant à la gestion interne de l’entreprise.

Les tribunaux de commerce sont des tribunaux d’exception, composés de juges élus par leurs pairs, amenés à traiter des litiges commerciaux en raison de leurs connaissances techniques du monde des affaires. Selon la société civile, cette décision implique une extension majeure de la compétence de ces tribunaux, potentiellement à tout litige impliquant une société commerciale.

S’agissant du premier cas utilisant cette loi, l’enjeu de cette décision dépassait cette unique affaire, comme l’avaient exprimé de nombreuses organisations de la société civile française dans une tribune en juin dernier (4). Elles y rappelaient que la loi française était devenue un « exemple à suivre au niveau international » et que la décision du tribunal judiciaire de Nanterre était un « frein dans la lutte contre l’impunité des multinationales ».

Pour Juliette Renaud, des Amis de la Terre France, « Nous sommes abasourdis par cette décision de la cour d’appel de Versailles. Selon nous, confier les affaires fondées sur la loi sur le devoir de vigilance aux tribunaux de commerce relève d’une interprétation erronée du droit, qui conduit à ignorer l’objectif central de cette loi : protéger les droits humains et l’environnement. Nous sommes également très inquiets par les délais que cette question de procédure a engendrés : pendant ce temps, selon nos enquêtes, des dizaines de milliers de personnes sont toujours privées totalement ou partiellement de leurs terres et de leurs moyens de subsistance en Ouganda et en Tanzanie (5). Il est maintenant à craindre que la décision de justice sur le fond n’arrive trop tard pour ces communautés affectées ».

Selon Thomas Bart, de Survie, « Cette décision est très décevante, mais nous allons poursuivre notre bataille afin que la multinationale soit obligée de respecter ses obligations de vigilance telles qu’inscrites dans la loi. C’est le seul instrument à notre portée pour contraindre Total à faire cesser les violations sur le terrain. Sans ce minimum légal, il est malheureusement certain que les droits des communautés affectées continueront d’être bafoués, les démarches volontaires et déclarations de bonne volonté ayant déjà prouvé leur inutilité ».

Les Amis de la Terre France, Survie et leurs partenaires ougandais envisagent de se pourvoir en Cassation.

Contacts presse :

  • Amis de la Terre France : Juliette Renaud, +33 6 37 65 56 40, juliette.renaud@amisdelaterre.org
  • Survie : Thomas Bart, +33 6 52 21 15 61, thomas.bart@protonmail.com
  • ActionAid France- Peuples Solidaires : Chloé Stevenson, +33 7 61 14 89 09, chloe.stevenson@actionaid.org
  • CCFD-Terre Solidaire : Sophie Rebours, + 33 7 61 37 38 65, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org
  • Collectif Ethique sur l’étiquette : Nayla Ajaltouni, +33 6 62 53 34 56, n.ajaltouni@ethique-sur-etiquette.org

Notes :

(1) La décision de la cour d’appel de Versailles est disponible ici.
(2) Pour plus d’information sur cette procédure judiciaire, lire la note des Amis de la Terre France et Survie : Total Ouganda – Première action en justice sur le devoir de vigilance des multinationales : où en est-on ?, octobre 2020.
(3) Voir le communiqué de presse du 30 janvier 2020 des Amis de la Terre et Survie.
(4) « Devoir de vigilance : la protection des droits humains en péril », tribune signée par une vingtaine d’organisations et publiée dans La Croix, le 24 juin 2020.
(5) Voir le rapport des Amis de la Terre France et Survie Un cauchemar nommé Total – Une multiplication alarmante des violations des droits humains en Ouganda et Tanzanie, octobre 2020.

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