Cette crise politique intervient en période de soudure et de crise financière.

Publié le 13.02.2009| Mis à jour le 08.12.2021

La crise a commencé suite à la fermeture, en décembre 2008, de la télévision « Viva » appartenant au maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina, intervenue après la diffusion d’une interview de l’ancien président de la république, Didier Ratsiraka. L’ultimatum lancé au gouvernement pour la réouverture de la télévision Viva n’ayant pas été suivi d’effets, Andry Rajoelina a répondu par la création d’une place de la démocratie à Antananarivo.

La contestation s’est transformée rapidement en crise politique majeure avec les émeutes et les pillages (dirigés contre les entreprises du président) du 26 janvier et la tuerie du 7 février devant le palais présidentiel dont le bilan fait état de 28 morts et plus de 200 blessés. Si l’Union Africaine a dénoncé la tentative de renversement d’un gouvernement démocratiquement élu, les diplomates occidentaux et l’ONU encouragent le dialogue entre les deux parties et incitent à une prise en compte du message envoyé par le peuple.

La France, soucieuse de ne pas reproduire les erreurs de la crise de 2002,  durant laquelle elle avait été accusée de soutenir le président sortant, a adopté une position plus prudente et cherche à se montrer impartiale. Selon le quai d’Orsay, le dialogue doit s’appuyer sur les nations unies, l’Union Africaine et la SADC (Communauté pour le Développement de l’Afrique Australe) ainsi que la commission de l’océan indien dont la France faire partie.

Les Eglises tentent également de rapprocher les deux parties pour parvenir à une sortie de crise. Les responsables du conseil des Eglises chrétiennes (FFKM – présidé cette année par Mgr Odon Razanakolona, Archevêque d’Antananarivo) ont favorisé la rencontre entre Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana qui se trouve être également vice-président de l’Eglise réformée – FJKM. (cf. La Croix 16/02/09). Bien que les deux parties aient affirmé à l’envoyé spécial de l’ONU qu’elles acceptaient le dialogue pour trouver une solution pacifique et démocratique, il semblerait qu’Andry Rajoelina soit prêt à aller jusqu’au bout dans sa quête du pouvoir.

En réalité, les racines de la crise sont plus profondes. L’ampleur du mouvement de contestation politique déclenché par les événements récents s’explique par le mécontentement croissant au sein de la population concernant la situation économique, politique et sociale dans le pays.

Contrairement à la crise de 2002, où le peuple avait porté M.Ravalomanana au pouvoir suite à plusieurs mois de troubles et d’insurrections contre le refus de Didier Ratsiraka de reconnaître sa victoire, on assiste plutôt, aujourd’hui, à un rejet en bloc de la politique du président par la population qu’à un soutien radical à Andry Rajoelina.

Depuis son élection en décembre 2007, ce dernier a fait entendre son opposition au Président Ravalomanana, surfant sur les désillusions de nombreux malgaches, déçus par un gouvernement qui ne répond pas aux besoins des populations les plus pauvres. En effet, la politique économique libérale menée par le président malgache, si elle a donné de bons résultats au niveau macro-économique et a pu profiter à une élite restreinte, a contribué à creuser l’écart entre riches et pauvres. La grande frustration provoquée par l’aggravation de la situation des populations les plus démunies a conduit à l’apparition de troubles sociaux et politiques à travers tout le pays.

Le peuple accuse le président d’avoir vendu le pays aux intérêts étrangers en facilitant l’arrivée de grands investisseurs sans demander aucune contrepartie de partage des retombées économiques de ces activités en faveur de la population. Les tensions ont été avivées récemment par « l’affaire Daewoo », groupe coréen qui a bénéficié d’une cession d’1,3 millions d’hectares de terres cultivables. De plus, M. Ravalomanana bénéficie personnellement de la croissance économique en raison de la confusion des intérêts publics et de ses propres intérêts économiques et de l’instauration de mesures favorisant son groupe industriel TIKO : exonération d’impôts et de droits de douane. Les principaux secteurs économiques nationaux sont monopolisés par le groupe d’entreprises du président (riz ; farine ; huile ; travaux publics etc…).

Le mouvement de contestation résulte également du déficit démocratique entretenu par le pouvoir en place caractérisé par des restrictions à la liberté d’expression et un contrôle des médias par le pouvoir politique.

La dégradation des conditions de vie au quotidien en raison de la diminution du pouvoir d’achat et de la hausse des prix et la montée de l’insécurité ont aggravé les tensions au niveau social. Face à cela, la politique dispendieuse du gouvernement avec notamment des frais élevés sur le budget présidentiel et le choix d’accueillir le sommet de l’Union Africaine, fait grincer des dents.

Le mécontentement vis-à-vis du pouvoir était latent et le record d’abstention pendant les élections législatives de 2007 ainsi que l’élection d’Andry Rajoelina ont été des signaux que le président n’a pas su prendre en compte.

Nos partenaires sur le terrain

Cette crise politique intervient en période de soudure et de crise financière, ce qui rend plus difficile encore la vie des populations au quotidien. Dans ce contexte, les partenaires du CCFD-Terre solidaire s’efforcent de poursuivre leurs activités. Un de nos partenaires qui était enfin parvenu, après plusieurs mois de négociations, à la conception d’un projet d’antenne sociale en collaboration avec la mairie d’Antananarivo a vu ses activités remises en cause suite à la destitution du maire. Un autre partenaire est en cours de négociation avec l’administration pour l’organisation d’une rencontre entre différentes associations qu’il encadre, les regroupements publics étant interdits jusqu’à nouvel ordre. 

Notre partenaire, Conseil de Développement d’Antohatapenaka, développe les petits métiers.
En savoir plus…

CCFD-Terre Solidaire
Chargée de mission Madagascar
Charlotte Kreder

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